Sportsnet Ontario concernant Party Poker Premier League Poker

Comité national des services spécialisés
Décision 14/15-0908
2015 CBSC 9
rendue le 21 octobre 2015
A. Noël (Présidente), M. Arpin, M. Carter, P. Gratton, D.-Y. Leu, P. Sévigny, R. Waksman

LES FAITS

L’émission Party Poker Premier League Poker permet aux téléspectateurs d’assister à des matchs de poker mettant aux prises certains joueurs parmi les plus renommés au monde. L’émission diffuse aussi leurs rencontres en coulisse et de brèves entrevues.

Sportsnet Ontario a diffusé un épisode de cette émission le 9 février 2015 à 16 h, sans aucune mise en garde.

L’épisode comporte le mot fuck dès les premières séquences marquant l’arrivée d’un joueur qui se fait appeler Devilfish. Un autre joueur lui ayant reproché son retard, Devilfish répète par deux fois « Go fuck yourself ». Il reprend le mot fuck en réaction au commentaire d’un autre joueur. À quatre autres reprises au moins au cours du match, Devilfish fait appel à ce même terme, soit pour exprimer sa frustration, soit pour souligner l’évolution du jeu. (La transcription des passages pertinents figure dans l’annexe A, en anglais seulement.)

Un téléspectateur a déposé une plainte sur le site du CCNR le 9 février 2015. C’était, disait-il, la seconde fois qu’il se plaignait du langage grossier et de l’absence de mises en garde à l’auditoire dans les émissions de Premier League Poker sur Sportsnet. Après sa première plainte, la station lui avait promis de corriger la situation et il se rendait compte qu’elle n’en avait rien fait.

Sportsnet a répondu au plaignant le 27 février. Le télédiffuseur a convenu que le langage était inapproprié pour une émission diffusée à 4 heures de l’après-midi. Il a souligné qu’une nouvelle politique avait été instituée à la suite de la première plainte du téléspectateur, mais que cet épisode avait malencontreusement échappé à l’application de cette nouvelle politique. Sportsnet a ajouté que l’émission Premier League Poker avait été retirée de l’horaire en attendant qu’on s’assure que tous les épisodes conviennent à l’auditoire, et s’est engagé à faire en sorte que l’erreur ne se reproduise plus.

Le plaignant a déposé une demande de décision le 5 mars, avec la copie d’un message envoyé à Sportsnet. Selon lui, le simple fait de retirer Premier League Poker de l’horaire n’est pas une garantie contre la réapparition du langage grossier dans d’autres émissions. Il met en doute l’engagement pris par la station d’exercer un contrôle sur la qualité du langage étant donné qu’elle s’était engagée à corriger la situation à la suite de sa première plainte, mais ne l’a pas fait. Il se demande si les démarches ont réellement été entreprises. (La correspondance complète figure dans l’annexe B, en anglais seulement.)

LA DÉCISION

Le Comité national des services spécialisés a étudié la plainte à la lumière des dispositions suivantes du Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) :

Article 10 – Télédiffusion (Mise à l’horaire)

  1. Les émissions à l’intention des auditoires adultes ayant du contenu sexuellement explicite ou comportant du langage grossier ou injurieux ne devront pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h 00 et 6 h 00. [...]

Article 11 – Mises en garde à l’auditoire

Pour aider les téléspectateurs à faire leurs choix d’émissions, les télédiffuseurs doivent présenter des mises en garde à l’auditoire lorsque la programmation renferme des sujets délicats ou, du contenu montrant des scènes de nudité, des scènes sexuellement explicites, du langage grossier ou injurieux ou, d’autre contenu susceptible d’offenser les téléspectateurs, et ce

  1. au début de la première heure, et après chaque pause commerciale pendant la première heure, d’une émission diffusée pendant la plage des heures tardives qui renferme ce genre de contenu à l’intention des auditoires adultes, ou
  2. au début, et après chaque pause commerciale, des émissions diffusées hors de la plage des heures tardives dont le contenu ne convient pas aux enfants..

Les membres du comité décideur ont lu toute la correspondance afférente et visionné un enregistrement de l’épisode en question. Le comité conclut que Sportsnet Ontario a violé les deux articles de code énoncés ci-dessus en laissant passer sur ses ondes, sans la moindre intervention, le mot fuck.

Langage grossier

Le CCNR a toujours maintenu que le mot fuck faisait partie du langage exclusivement utilisé « à l’intention des auditoires adultes » et qu’il devait être réservé à la plage des heures tardives, entre 21 h et 6 h1. Lorsqu’il surgit dans une émission en dehors de la plage des heures tardives, il doit être supprimé ou couvert2.

Les membres du comité décideur constatent que dans la présente affaire le mot fuck a été lancé à plusieurs reprises durant une émission diffusée à partir de 16 heures, c’est-à-dire en dehors de la plage des heures tardives, et qu’il n’y a eu aucune tentative de le supprimer ou de l’atténuer d’une quelconque façon. En raison de quoi, les membres du comité estiment que le télédiffuseur a enfreint l’alinéa 10a) du Code de déontologie de l’ACR.

Mises en garde à l’auditoire

Le plaignant, comme on l’a vu, insiste sur le fait qu’il n’y a pas eu d’avertissement quant au langage grossier employé dans cette émission. Les membres du comité décideur constatent en effet qu’il n’y a pas eu de mise en garde au début et après chaque pause publicitaire de l’émission, comme l’exige l’article 11 du Code de déontologie de l’ACR3. Pour cette raison, les membres du comité décideur n’ont d’autres choix que de conclure à une infraction à l’égard de l’article 11 du Code de déontologie de l’ACR pour avoir omis de diffuser des mises en garde concernant l’utilisation de langage grossier.

Réceptivité du télédiffuseur

Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent dans quelle mesure le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, réfléchie et complète. Dans la présente affaire, le plaignant a été contrarié par le fait que Sportsnet n’avait pas respecté son engagement à ne plus diffuser de langage grossier à la suite de sa première plainte. Sportsnet a reconnu qu’il y avait eu un manquement dans la mise en œuvre de sa nouvelle politique et a été jusqu’à prendre l’initiative de retirer l’émission litigieuse de son horaire. Bien que cette mesure n’ait pas paru suffisante au plaignant qui est resté inquiet quant à l’usage de langage grossier dans d’autres émissions, le CCNR estime que la démarche de Sportsnet a été des plus consciencieuses. Ce télédiffuseur ayant rempli son obligation de se montrer réceptif, il n’y a pas lieu d’en exiger davantage de sa part, sauf pour l’annonce de cette décision.

L’ANNONCE DE LA DÉCISION

Sportsnet Ontario est tenu 1) de faire connaître la présente décision selon les conditions suivantes : une fois pendant les heures de grande écoute, dans un délai de trois jours suivant sa publication, et une autre fois dans un délai de sept jours suivant sa publication, dans le même créneau horaire que Party Poker Premier League Poker, mais pas le même jour que la première annonce; 2) de faire parvenir au plaignant qui a présenté la demande de décision, dans les quatorze jours suivant la diffusion des deux annonces, une confirmation écrite de son exécution; et 3) au même moment, de faire parvenir au CCNR copie de cette confirmation accompagnée du fichier-témoin attestant la diffusion des deux annonces, qui seront formulées comme suit :

Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a jugé que Sportsnet Ontario avait enfreint le Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs dans le cadre de la diffusion de Party Poker Premier League Poker le 9 février 2015. La réitération du terme fuck dans une émission diffusée à 16 h constituait une infraction à l’article 10 du Code. En ne diffusant pas de mises en garde à l’auditoire quant à l’utilisation de langage grossier, Sportsnet a également enfreint l’article 11 du Code.

La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.

1 Showcase Television concernant le long métrage Destiny to Order (Décision CCNR 00/01-0715, 16 janvier 2002); WTN concernant le long métrage Wildcats (Décision CCNR 00/01-0964, 16 janvier 2002); Showcase Television concernant The Cops (Décision CCNR 01/02-1076, 28 février 2003); CTV concernant l’intervention d’Eminem à la remise des Junos (Décision CCNR 02/03-1130, 30 janvier 2004) Bravo! concernant le long métrage Perfect Timing (Décision CCNR 03/04-1719, 15 décembre 2004); Bravo! concernant le long métrage Kitchen Party (Décision CCNR 03/04-0928, 15 décembre 2004); Bravo! concernant le long métrage Ordinary People (Décision CCNR 03/04-1187, 15 décembre 2004); Bravo! concernant le long métrage RKO 281 (Décision CCNR 04/05-0584, 20 juillet 2005); Global concernant ReGenesis (« Baby Bomb ») (Décision CCNR 04/05-1996, 20 janvier 2006)

2 WTN concernant le long métrage Wildcats (Décision CCNR 00/01-0964, 16 janvier 2002); Showcase Television concernant le long métrage Frankie Starlight (Décision CCNR 02/03-0682, 30 janvier 2004); Showcase Television concernant le long métrage Muriel's Wedding (Décision CCNR 02/03-0882, 30 janvier, 2004); CTV concernant l’intervention d’Eminem à la remise des Junos (Décision CCNR 02/03-1130, 30 janvier 2004); Bravo! concernant le long métrage RKO 281 (Décision CCNR 04/05-0584, 20 juillet 2005); Global concernant ReGenesis (« Baby Bomb ») (Décision CCNR 04/05-1996, 20 janvier 2006); BBC Canada concernant The F-Word (Décision CCNR 08/09-1516, 1er avril 2010)

3 Showcase Television concernant The Cops (Décision CCNR 01/02-1076, 28 février 2003); CTV concernant la performance de Green Day durant la diffusion de Live 8 (Décision CCNR 04/05-1753, 20 janvier 2006); Global concernant un épisode de fatbluesky (Décision CCNR 05/06-1611, 8 janvier 2007)