RDS concernant 5 à 7 (« Laprise branché! »)

COMITÉ RÉGIONAL DU QUÉBEC
Décision du CCNR 11/12-0649
24 juillet 2012

LES FAITS

Le 5 à 7 est une émission magazine sur les sports. Le Réseau des sports (RDS) diffuse l’émission du lundi au vendredi de 17 h à 19 h. Les animateurs Yanick Bouchard et Frédéric Plante discutent des nouvelles du sport et reçoivent d’autres chroniqueurs sportifs pour en discuter. Michel Laprise est un de ces chroniqueurs et il anime une chronique récurrente intitulée « Laprise, branché! ».

Le 15 novembre 2011, en présentant M. Laprise, les animateurs ont informé les téléspectateurs qu’ils pouvaient faire parvenir des vidéos drôles à ce dernier, par courriel. M. Laprise a ensuite diffusé une vidéo qu’il avait reçue en soulignant « je sais que c’est pas nécessairement gentil de montrer des vidéos comme ça, mais c’est drôle. »

La vidéo montrait des hommes de taille normale qui utilisaient un homme atteint de nanisme comme boule de bowling. Le sol de « l’allée de bowling » était recouvert d’un film plastique et les quilles étaient disposées au bout. L’homme de petite taille ne portait pas de chemise, il était enduit d’huile et vêtu d’un short. Les hommes de taille normale, agissant deux par deux, saisissaient ce dernier, le balançaient et le lançaient sur le film plastique pour abattre les quilles. L’homme de petite taille semblait participer à cette activité de son plein gré, car il dansait à l’approche des joueurs et mimait un guitariste.

Pendant le déroulement de la video M. Laprise a fait le commentaire suivant : « Si vous organisez un party de Noël et vous savez pas quoi faire comme activité, voici ce que vous pouvez faire. Jouez au bowling avec un nain graissé. Ça vous prend une grande feuille de caoutchouc. Ça vous prend de l’huile. Ça vous prend un nain avec un sens d’humour. Et aussi plus important ça vous prend une belle-sœur célibataire qui est prête à dater un nain juste pour le temps des Fêtes. »  M. Plante a alors répondu « Non, là il y a comme un malaise sur le plateau, Michel là. » M. Laprise a ensuite passé un commentaire sur le nombre de tentatives requises pour abattre les quilles en ajoutant « mais la petite personne avait l’air quand même d’aimer ça ».

Une semaine plus tard, le 22 novembre, M. Laprise a déclaré: « Clarifier un point, euh, dans ma chronique des fois il arrive de présenter des vidéos, tenir des commentaires aussi qui sont à la limite de l’acceptable. La semaine passée, j’ai dépassé cette limite-là. Il y a des gens qui m’ont écrit. C’est correct. Quand on dépasse à la limite c’est bien de se faire dire. Donc pour des gens pour qui ç’a causé du tort, je tiens à m’excuser. » (La transcription complète des segments diffusés les 15 et 22 novembre est jointe à l’Annexe A.)

Le CCNR a reçu une plainte en date du 24 novembre de l’Association québécoise des personnes de petite taille. L’Association s’est plainte des images « outrageantes » diffusée par RDS et des commentaires qui les ont accompagnées. L’Association a souligné dans sa plainte que le « nanisme est une condition médicale sérieuse » et qu’une partie de la population qui y est confrontée « fait encore l’objet de brimades, d’attitudes barbares et de propos dégradants et ce manque de respect passe pour de l’humour ». L’Association n’a pas accepté les excuses faites par M. Laprise parce que « le mal est fait ».

RDS a répondu à l’association plaignante le 5 décembre. Dans sa réponse RDS reconnaissait que le contenu de cette chronique « présentant des images et propos d’un goût discutable au sujet de personnes atteintes de nanisme était déplacé et malhabile. » RDS a confirmé que l’incident avait été porté à l’attention de l’équipe de 5 à 7 « et elle a reconnu son erreur ». La réponse précisait de plus que M. Laprise « a présenté des excuses sincères, en ondes ». L’Association a répondu le 16 janvier 2012 qu’elle n’était pas satisfaite de la réponse de RDS et « les faibles excuses présentées par l’animateur ». (Le texte complet de toute la correspondance se trouve à l’annexe B.)

LA DÉCISION

Le Comité régional du Québec a étudié la plainte à la lumière des articles suivants du Code de déontologie et du Code sur la représentation équitable de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) :

Code de déontologie de l’ACR, Article 2 – Droits de la personne

Reconnaissant que tous et chacun ont droit à la reconnaissance complète et égale de leurs mérites et de jouir de certains droits et libertés fondamentaux, les radiotélédiffuseurs doivent veiller à ce que leur programmation ne renferme pas de contenu ou de commentaires abusifs ou indûment discriminatoires quant à la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou le handicap physique ou mental.

Code de l’ACR sur la représentation équitable, Article 2 – Droits de la personne

Reconnaissant que tous et chacun ont droit de jouir complètement de certaines libertés et de certains droits fondamentaux, les radiodiffuseurs doivent s’assurer que leurs émissions ne présentent aucun contenu ou commentaire abusif ou indûment discriminatoire en ce qui concerne la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou un handicap physique ou mental.

Code de l’ACR sur la représentation équitable, Article 3 – Représentation négative

Pour assurer une représentation adéquate de tous les individus et tous les groupes, les radiodiffuseurs doivent éviter de présenter sur les ondes des représentations indûment négatives des individus en ce qui concerne la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou un handicap physique ou mental. Une telle représentation négative peut prendre plusieurs formes, incluant, entre autres, les stéréotypes, la stigmatisation et la victimisation, la dérision au sujet des mythes, des traditions ou des pratiques, un contenu dégradant et l’exploitation.

Code de l’ACR sur la représentation équitable, Article 5 – Stigmatisation et victimisation

Reconnaissant que les membres de certains des groupes identifiables suivants se voient confrontés à des problèmes particuliers se rapportant à leur représentation, les radiodiffuseurs doivent s’assurer que leurs émissions ne stigmatisent ni ne victimisent les individus ou les groupes en raison de la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou un handicap physique ou mental.

Code de l’ACR sur la représentation équitable, Article 7 – Contenu dégradant

Les radiodiffuseurs doivent éviter de présenter un contenu dégradant, qu’il s’agisse de mots, de sons, d’images ou d’autres moyens, qui est fondé sur la race, l’origine nationale ou ethnique, la couleur, la religion, l’âge, le sexe, l’orientation sexuelle, l’état matrimonial ou un handicap physique ou mental.

Les membres du Comité ont lu toute la correspondance afférente et ont visionné l’émission en question. Le Comité conclut que la diffusion a violé toutes les dispositions susmentionnées. Le Comité reconnaît que la personne de petite taille montrée dans la vidéo semblait participer à la joute de quilles de son plein gré. Toutefois, quel que soit le point de vue de ce participant à cet égard, RDS avait l’obligation de respecter les normes de radiodiffusion canadiennes.[1] Le Comité considère que cette vidéo d’une partie de bowling faisait de l’homme de petite taille qui y figurait un objet, en l’occurrence, une boule de bowling. De plus, les commentaires de M. Laprise décrivant les objets nécessaires pour organiser une fête réussie, une grande feuille de caoutchouc, de l’huile et un « nain graissé » n’ont fait que renforcer cette notion d’objectivation. Cette séquence faisait des personnes de petite taille de simples objets de railleries et de ridicule. Selon le Comité, la diffusion de cette vidéo constitue une programmation qui était abusive et indûment discriminatoire en ce qui concerne un handicap physique, en l’occurrence le nanisme contrevenant ainsi à l’article 2 du Code de déontologie de l’ACR et à l’article 2 du Code de l’ACR sur la représentation équitable. Le contenu de cette vidéo contrevient également aux dispositions de l’article 3 du Code de l’ACR sur la représentation équitable parce qu’il présente, en ondes, une représentation négative d’individus fondé sur un handicap physique. Il contrevient aussi à l’article 5 du même Code en stigmatisant et victimisant un individu en raison de son handicap physique. Enfin les membres du Comité ont conclu que cette vidéo constituait un contenu dégradant aux termes de l’article 7 dudit Code.

Réceptivité du télédiffuseur

Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent la mesure dans laquelle le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, bien réfléchie et complète. Dans sa réponse écrite, le télédiffuseur reconnaît que le contenu de cette chronique était « déplacé et malhabile » et que l’équipe du 5 à 7 « a reconnu son erreur ». Toutefois il ajoute que « M. Laprise a présenté des excuses sincères, en ondes, dès sa chronique suivante, le 22 novembre. » Dans la présente affaire, les membres du Comité notent que des excuses en ondes doivent, pour être efficaces, être pertinentes et faire référence à l’objet de la plainte. Or les excuses présentées en ondes le 22 novembre 2011 étaient génériques et ne portaient pas spécifiquement sur le contenu de l’émission du 15 novembre. Il serait important, à l’avenir, d’être plus précis dans les excuses diffusées en ondes. L’Annonce de la décision RDS est tenu 1) de faire connaître la présente décision selon les conditions suivantes : une fois pendant les heures de grande écoute dans un délai de trois jours suivant sa publication et une autre fois dans les sept jours suivant sa publication dans le créneau dans lequel il a diffusé 5 à 7, mais pas le même jour que la première annonce obligatoire; 2) de fournir, dans les quatorze jours suivant les diffusions des deux annonces, une confirmation écrite de cette diffusion au plaignant qui a présenté la Demande de décision; et 3) d’envoyer au même moment au CCNR copie de cette confirmation accompagnée du fichier-témoin attestant les diffusions des deux annonces. Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a jugé que RDS a violé le Code de déontologie et le Code sur la représentation équitable de l’Association canadienne des radiodiffuseurs dans le cadre d’une diffusion du 5 à 7 le 15 novembre 2011. Dans le cadre de la chronique « Laprise branché! », on a montré une vidéo qui présentait des personnes de petite taille d’une manière abusive, négative, stigmatisée et dégradante. Ceci a violé l’article 2 du Code de déontologie et les articles 2, 3, 5 et 7 du Code sur la représentation équitable. La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision. [1] Voir CFNY-FM concernant une séquence intitulée « Spencer the Cripple » diffusée dans le cadre du Dean Blundell Show (Décision du CCNR 08/09-0650, rendue le 25 juin 2009), un autre cas dans lequel la participation de son plein gré d’une personne n’a pas empêché la diffusion de constituer une violation du Code.