HGTV concernant Timber Kings

comité national des services spécialisés
Décision CCNR 14/15-0784
2015 CBSC 8
rendue le 21 octobre 2015
A. Noël (Présidente), M. Arpin, M. Carter, P. Gratton, D.-Y. Leu, P. Sévigny, L. Todd

LES FAITS

Timber Kings est une émission canadienne de téléréalité de 60 minutes qui gravite autour d’une entreprise de Colombie-Britannique spécialisée dans la construction de bâtiments de bois rond sur commande. Elle présente les membres de l’équipe en entrevues et des séquences filmées sur les différents chantiers de construction.

HGTV a diffusé un épisode de cette émission le 8 janvier 2015 à 19 heures. Une icône de classification PG (avertissement aux parents) est apparue pendant 19 secondes au début de l’émission. Il n’y a eu aucune mise en garde à l’auditoire.

Au cours de l’épisode, le mot « shit » a été prononcé 15 fois dans le contexte d’expressions comme « oh, shit! » ou « holy shit » utilisées par les travailleurs pour exprimer la surprise ou la frustration devant une tâche particulièrement ingrate.

L’un d’eux a employé l’expression « This thing’s a bitch » pour décrire la difficulté à manœuvrer une rétrocaveuse et on en a entendu un autre s’exclamer « Jesus! » sous le coup de la surprise.

Dans deux autres cas, un signal sonore a servi à masquer un juron.

Le CCNR a reçu la plainte d’une téléspectatrice le 8 janvier 2015. Celle-ci déplorait la répétition excessive des mots shit et bitch au cours de l’émission, qu’elle estimait particulièrement inappropriée du fait que la programmation de HGTV peut généralement être vue par toute la famille à n’importe quel moment. Ce genre de langage, expliquait-elle, ne lui aurait causé aucun problème si l’émission avait été présentée plus tard dans la soirée. HGTV a répondu à la plainte le 9 février. La station a expliqué que l’émission consistait à s’immiscer à l’improviste au sein de l’équipe, pour mieux comprendre ce qu’ils vivent et comment ils réagissent, et qu’elle était classée PG (avertissement aux parents). HGTV a convenu que l’émission aurait dû comporter des mises en garde et donné à la plaignante l’assurance que cela serait fait dorénavant. La plaignante a écrit de nouveau le 17 février. Elle avait vu les mises en garde dans les épisodes suivants, mais continuait de penser que ce genre de langage, bien qu’acceptable en fin de soirée, ne l’était pas aux heures de grande écoute. (La correspondance complète figure dans l’annexe, en anglais seulement.)

LA DÉCISION

Le Comité national des services spécialisés a étudié la plainte à la lumière des dispositions suivantes du Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) :

Article 10 – Télédiffusion (Mise à l’horaire)

a) Les émissions à l’intention des auditoires adultes ayant du contenu sexuellement explicite ou comportant du langage grossier ou injurieux ne devront pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h 00 et 6 h 00. [...]

Article 11 – Mises en garde à l’auditoire

Pour aider les téléspectateurs à faire leurs choix d’émissions, les télédiffuseurs doivent présenter des mises en garde à l’auditoire lorsque la programmation renferme des sujets délicats ou, du contenu montrant des scènes de nudité, des scènes sexuellement explicites, du langage grossier ou injurieux ou, d’autre contenu susceptible d’offenser les téléspectateurs, et ce

[...]

b) au début, et après chaque pause commerciale, des émissions diffusées hors de la plage des heures tardives dont le contenu ne convient pas aux enfants.

Les membres du comité décideur ont lu toute la correspondance afférente et visionné l’émission en question. Le comité conclut que HGTV n’a pas enfreint l’article 10, mais qu’il a enfreint l’article 11 pour avoir omis de présenter des mises en garde à l’auditoire lors de l’épisode du 8 janvier.

Langage grossier et horaire de diffusion

Les membres du comité décideur reconnaissent que l’utilisation à la télévision de mots comme bitch et shit peut paraître de mauvais goût à certains téléspectateurs. Le critère dont se sert le comité pour trancher dans ces cas est le suivant : considérés dans leur ensemble, les termes en question constituent-ils « une émission à l’intention des auditoires adultes comportant du langage grossier ou injurieux » selon la description de l’alinéa 10a) du Code de déontologie de l’ACR ? S’il s’agit d’un langage convenant uniquement à un auditoire adulte, l’émission doit être diffusée pendant la plage des heures tardives (après 21 h et avant 6 h). Si le langage employé ne tombe pas dans cette catégorie, l’émission peut être diffusée à n’importe quelle heure, à condition d’être classée de manière appropriée et de comporter des mises en garde.

Dans des décisions antérieures, un langage légèrement grossier utilisé dans des conditions semblables à celles de Timber Kings a été considéré comme acceptable à toute heure du jour1. Le comité estime qu’il en va de même pour la présente affaire.

Mises en garde à l’auditoire

Les membres du comité décideur sont d’avis que le langage employé dans Timber Kings, bien qu’il ne soit pas réservé exclusivement à des auditoires adultes au sens de l’article 10, est suffisamment grossier pour justifier des mises en garde à l’auditoire.

Le radiodiffuseur a classé l’émission PG (avertissement aux parents), une classification justifiée puisqu’elle englobe le recours à « des jurons de faible intensité ». Cependant, le télédiffuseur n’a pas présenté de mise en garde pour avertir son auditoire que l’émission comportait du langage grossier.

Le comité rappelle aux télédiffuseurs que la classification à elle seule, en l’occurrence PG (avertissement aux parents), ne renseigne pas de manière satisfaisante sur la nature du contenu délicat (violence, scènes de nudité ou langage grossier) que renferme l’émission. C’est une combinaison de la classification et des mises en garde qui permet aux téléspectateurs de faire un choix éclairé, compte tenu des sensibilités de chacun. C’est en raison de l’usage combiné des icônes de classification et des mises en garde qui maximise l’information transmise aux téléspectateurs, que les radiodiffuseurs ont la possibilité de diffuser ce type de contenu à n’importe quel moment de la journée2.

Le télédiffuseur a reconnu qu’il fallait présenter des mises en garde et la plaignante a reconnu qu’elles avaient bien été insérées dans les épisodes subséquents.

Les membres du comité décideur conviennent que le télédiffuseur était tenu d’insérer des mises en garde pour signaler le langage grossier, au début et après chaque pause publicitaire de l’émission Timber Kings. L’omission de le faire constitue une infraction à l’alinéa 11(b) du Code de déontologie de l’ACR.

Réceptivité du télédiffuseur

Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent dans quelle mesure le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, réfléchie et complète. Dans la présente affaire, HGTV a répondu à la plaignante en lui présentant son propre point de vue sur l’émission. Il a reconnu qu’il avait omis d’insérer des mises en garde et s’est engagé à le faire à l’avenir. Ce télédiffuseur ayant rempli son obligation de se montrer réceptif, il n’y a pas lieu d’en exiger davantage de sa part, sauf pour l’annonce de cette décision.

L’ANNONCE DE LA DÉCISION

HGTV est tenu 1) de faire connaître la présente décision selon les conditions suivantes : une fois pendant les heures de grande écoute, dans un délai de trois jours suivant sa publication, et une autre fois dans un délai de sept jours suivant sa publication, dans le même créneau horaire que Timber Kings, mais pas le même jour que la première annonce; 2) de faire parvenir à la plaignante qui a présenté la demande de décision, dans les quatorze jours suivant la diffusion des deux annonces, une confirmation écrite de son exécution; et 3) au même moment, de faire parvenir au CCNR copie de cette confirmation accompagnée du fichier-témoin attestant la diffusion des deux annonces, qui seront formulées comme suit :

Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision a jugé que HGTV avait enfreint le Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs dans le cadre de la diffusion de Timber Kings le 8 janvier 2015. HGTV a omis de présenter des mises en garde à l’auditoire pour signaler que l’épisode comportait du langage grossier, comme l’exige l’article 11 du Code.

La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.

1 CFCF-TV concernant le premier épisode de The Dark Angel (Décision CCNR 00/01-0183, 22 août 2001) et Prime concernant le long métrage Smokey and the Bandit (Décision CCNR 05/06-1575, 8 janvier 2007)

2 CFCF-TV concernant le premier épisode de The Dark Angel (Décision CCNR 00/01-0183, 22 août 2001); VRAK.TV concernant Charmed (« Histoire de fantôme chinois ») (Décision CCNR 02/03-0365, 17 juillet 2003); Prime concernant le long métrage Smokey and the Bandit (Décision CCNR 05/06-1575, 8 janvier 2007); Séries+ concernant CSI : Miami (Décision CCNR 09/10-1730, 25 janvier 2011); The Comedy Network concernant South Park (Décision CCNR 09/10-1432 et -1562, 5 octobre 2010); TVA concernant Les jeunes loups (Décision CCNR 13/14-0808, 10 septembre 2014)