CKMF-FM concernant Énergie le matin (tweet controversé)

COMITÉ DÉCIDEUR FRANCOPHONE
Décision CCNR 1617-0498
2017 CCNR 14
28 novembre 2017
A. Noël (présidente), G. Bonin, J-F. Leclerc, M. Lorrain, C. Scott

 


LES FAITS

Énergie le matin est l’émission matinale de la station musicale CKMF-FM (Énergie 94,3) à Montréal. Elle est diffusée du lundi au vendredi de 5 h 30 à 9 h. L’émission est animée par Dominic Arpin, Mélanie Maynard et Jonathan Roberge. Ils sont accompagnés parfois par des chroniqueurs, tels le chroniqueur sportif Martin Lemay.

Le 19 octobre 2016, à 8 h 17, les animateurs ont échangé à propos d’un message sur Twitter. En réaction au lancement du livre Les Superbes portant sur des femmes qui occupent des postes de commande, un homme a déclaré dans un tweet, en faisant allusion à la tuerie de l’École polytechnique à Montréal, qu’avec la publication de ce livre, le tueur aurait maintenant une liste à jour de féministes à cibler. Les animateurs ont donné en ondes le nom de l’auteur du tweet et ont noté que la Sûreté du Québec (SQ) avait ouvert une enquête à ce sujet. Les animateurs ont qualifié le tweet d’« épouvantable », de « niaiseux », de « stupide », d’« épais », de « con » et de « misogyne » et ont dit qu’ils espéraient que l’individu serait arrêté. Le chroniqueur sportif Martin Lemay, a alors ajouté:

Moi, le gars je dirais, tsé, viens me l’dire en pleine face. Pis on fera pas venir la police pour un tweet. Mais viens me l’dire en pleine face, va te guérir à vie, tsé. M’a te frapper tellement fort. Non, je va te frapper tellement fort que tu sauras plus jamais tweeter personne. Parce que de penser que la mode du féminisme va guérir ce monde-là un moment donné pis que [...] Exactement ce que je dis et lui en dénonçant tout ça là, y a rien que la société peut faire pour qu’un moment donné y allume pis qu’y fasse « aye, c’est vrai j’ai été stupide ». Non, y va être stupide toute sa vie. C’est pour ça que je dis malheureusement là, des fois un œil pour un œil, un coup de poing pour un coup de poing, un épais pour un coup de poing.

Monsieur Arpin est alors intervenu auprès de Monsieur Lemay en lui disant de s’arrêter là et que même si quelqu’un battait l’auteur du tweet, il ne lui ferait pas changer d’opinion. Il a ajouté que bien qu’il soit tentant de se faire justice soi-même, mieux vaut laisser la SQ faire son enquête.

Les animateurs reviennent sur le sujet plus tard dans l’émission, à 8 h 52. Ils traitent à nouveau l’auteur du tweet d’« épais », d’« imbécile » et de « tata » et lisent le courriel d’une dame qui écrit « J’en viens à me dire comme Martin que la méthode forte est peut-être la meilleure ». Ils discutent ensuite de la façon d’éduquer les garçons pour leur apprendre à respecter les femmes, et évoquent les allégations d’attaques récentes contre des étudiantes dans une résidence universitaire. Martin Lemay essaie alors encore d’expliquer son point de vue :

Ouais, c’est ça que j’essayais de dire t’à l’heure maladroitement, tsé. Oui je dis pas la chose populaire en disant tout ce qu’y mérite c’est de se faire tabasser, tsé comme ces gars-là se sont glissés dans le lit des filles. Même si tu les mets en prison, ça changera rien au fait que c’est des idiots. Tsé, c’est une taloche qu’y ont de besoin. J’m’excuse, je pense comme ça, euh, sincèrement.

Une transcription plus complète du dialogue figure dans l’annexe A.

Le CCNR a reçu une plainte en date du 26 octobre 2016. L’auditeur a reconnu que le message Twitter était inacceptable, mais il déplorait le fait que l’animateur ait suggéré d’administrer une raclé à son auteur. Selon le plaignant, ces propos constituaient une menace et de l’incitation à la violence, surtout que les animateurs avaient identifié l’auteur du tweet. Le plaignant redoutait que certains auditeurs puissent « s’en prendre physiquement à toute personne écrivant un message stupide, déplacé, choquant ou haineux sur Twitter » en insistant sur le fait que les animateurs devraient faire « attention à leurs réactions en ondes et savoir se contrôler, dénoncer fermement de façon convenable » sans avoir recours à des menaces de violence, la meilleure solution étant de s’adresser à la police.

Le radiodiffuseur a répondu au plaignant le 22 novembre en admettant que les commentaires « ont dépassé [la] pensée [de l’animateur] et que ce type de propos n’a pas lieu d’être à la radio ». Sa réponse soulignait de plus que la direction avait rencontré l’animateur en question « pour lui rappeler que ses propos étaient inacceptables ». Le plaignant a déposé sa demande de décision le 4 décembre, disant qu’il déplorait « le manque de conséquence ou de réparation » et voulait un message de réparation diffusé en ondes. (La correspondance complète figure dans l’annexe B.)

LA DÉCISION

Le comité décideur francophone a étudié la plainte à la lumière de l’article 9 du Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) qui se lit comme suit :

Reconnaissant que la radio est un média local et qu’il reflète par conséquent les normes de la collectivité desservie, les émissions diffusées aux ondes d’une station de radio locale doivent tenir compte de l’accès généralement reconnu à la programmation qui est disponible sur le marché, de la répartition démographique de l’auditoire de la station et de la formule empruntée par la station. Dans ce contexte, les radiodiffuseurs prendront un soin particulier de veiller à ce que les émissions diffusées à l’antenne de leurs stations ne comprennent pas :

a) de violence gratuite sous quelque forme que ce soit ou de contenu qui endosse, encourage ou glorifie la violence.

Les membres du comité décideur ont lu toute la correspondance afférente et ont écouté la diffusion en question. Le comité conclut que CKMF-FM a enfreint l’article 9(a) du Code de déontologie de l’ACR.

Les membres du comité décideur notent que le chroniqueur Lemay a prôné la violence à plusieurs reprises au cours de ses interventions : « M’a te frapper tellement fort. Non, je va te frapper tellement fort que tu sauras plus jamais tweeter personne »; et plus tard dans l’émission : « tsé, c’est une taloche qu’y ont de besoin, j’m’excuse, je pense comme ça ».

Même si les évènements qui ont présidé à son intervention intempestive étaient particulièrement choquants, au lendemain des attaques contre des étudiantes dans la résidence de l’Université Laval, de la publication du livre Les Superbes et à quelques semaines du 28e anniversaire de la tuerie de l’École Polytechnique, Monsieur Lemay n’aurait jamais dû tenir ce genre de propos[1].

L’intervention de l’animateur Arpin l’enjoignant à arrêter de vouloir se faire justice lui-même et suggérant que c’était à la police et à l’appareil judiciaire d’intervenir dans ce genre de dossier n’a pas suffi à faire contrepoids aux propos du chroniqueur Lemay.

Même si, plus tard dans l’émission, le chroniqueur Lemay a parlé de l’éducation des garçons à qui il est important d’inculquer le respect des femmes, il a persisté dans sa logique en disant « tsé, c’est une taloche qu’y ont de besoin, j’m’excuse, je pense comme ça ».

Les membres du comité décideur comprennent fort bien la frustration exprimée par le chroniqueur sportif Lemay à la suite du tweet violent, objet de la discussion. Ils reconnaissent également que M. Lemay s’aventurait hors de son champ d’expertise, mais ils concluent que cette frustration ne doit jamais se traduire par des propos incitant à la violence.

Le radiodiffuseur l’a également reconnu dans sa réponse au plaignant et a averti son chroniqueur que ses « propos étaient inacceptables et qu’une telle situation ne devait pas se reproduire dans le futur ».

Le comité conclut donc que malgré l’intervention de l’animateur Arpin qui tentait de faire contrepoids aux propos du chroniqueur Lemay et malgré la discussion portant sur l’éducation des garçons, les propos du chroniqueur Lemay constituaient manifestement de l’incitation à la violence. En conséquence le radiodiffuseur a violé les dispositions de l’article 9(a) du Code de déontologie de l’ACR.

Réceptivité du radiodiffuseur

Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent dans quelle mesure le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, réfléchie et complète. Dans la présente affaire, CKMF-FM a convenu avec le plaignant que les commentaires étaient inappropriés et ont pris des mesures pour s’assurer qu’une telle situation ne se reproduise pas. Même si cela n’a pas satisfait le plaignant, qui voulait une annonce de réparation en ondes, cette réponse a rempli l’obligation du radiodiffuseur de se montrer réceptif. Il n’y a pas lieu d’en exiger davantage de sa part, sauf pour l’annonce de cette décision.

Annonce de la décision

CKMF-FM est tenu : 1) de faire connaître la présente décision selon les conditions suivantes : une fois pendant les heures de grande écoute, dans un délai de trois jours suivant sa publication, et une autre fois dans un délai de sept jours suivant sa publication, dans le même créneau horaire qu’Énergie le matin, mais pas le même jour que la première annonce; 2) de faire parvenir au plaignant qui a présenté la demande de décision, dans les quatorze jours suivant la diffusion des deux annonces, une confirmation écrite de son exécution; et 3) au même moment, de faire parvenir au CCNR copie de cette confirmation accompagnée du fichier-témoin attestant la diffusion des deux annonces, qui seront formulées comme suit :

Le Conseil canadien des normes de la radiotélevision a jugé que CKMF-FM avait enfreint le Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs dans son émission Énergie le matin diffusée le 19 octobre 2016. La station a diffusé des commentaires qui endossaient la violence, à l’encontre de l’article 9 dudit code.

La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.

[1] Voir les décisions suivantes pour d’autres exemples des commentaires qui ont violé le code pour l’endossement de la

violence à la radio : CILQ-FM concernant John Derringer’s « Tool of the Day » (Décision CCNR 02/03-1465, 10 février 2004); CKAC-AM concernant une séquence diffusée dans le cadre de Bonsoir les sportifs (Décision CCNR 06/07-0441, 7 avril 2008); et CFNY-FM concernant le Dean Blundell Show (Manifestation au jour du Souvenir) (Décision CCNR 12/13-0454, 17 juillet 2013)

 

Annexe A

Énergie le matin est l’émission matinale de la station musicale CKMF-FM (Énergie 94.3) à Montréal. Elle est diffusée du lundi au vendredi de 5 h 30 à 9 h. L’émission est animée par Dominic Arpin, Mélanie Maynard et Jonathan Roberge. Ils sont accompagnés des fois par des chroniqueurs, tels que le chroniqueur sportif Martin Lemay.

Le 19 octobre 2016, à 8 h 17, les animateurs ont échangé à propos d’un message sur Twitter. Voici une transcription de la conversation :

Arpin :   C’est une nouvelle, euh, qui circule pas mal depuis hier.

Maynard :           Hmm hmm.

Arpin :   Un tweet violent, on va le dire comme ça, sur Les Superbes. Y a d’ailleurs une enquête de la Sécurité du Québec qui a été ouvert [sic] concernant l’auteur de ce tweet-là, qui faisait donc, euhm, une espèce de, de commentaire –

Maynard :           C’est épouvantable.

Arpin :   -- niaiseux sur la, la sortie du livre.

Roberge :            Y a pas d’autre mot que stupide, niaiseux, épais, con, misogyne, épais.

Maynard :           Écoute, violent, pis j’espère vraiment qu’il va être arrêté, pis qu’il va avoir des sanctions faites pour cet individu-là qui a tenu ces propos-là. Moi c’est venu me chercher, comme euh, comme jamais, mais en même temps –

Lemay :                 C’est quoi, tu peux-tu, pour les gens qui connaissent pas comme moi [??] un, c’est quoi qui a été dit, pis c’est quoi Les Superbes?

Maynard :           Les Superbes, c’était le, c’est le livre qui, euh, qui a été rédigé entre autres par, euh, Léa Clermont –

Arpin :   Dion, ouais.

Maynard :           Dion, sur les nouvelles féministes.

Lemay :                 Okay.

Maynard :           Le rôle des femmes pis pourquoi les femmes de pouvoir dérangent. On avait parlé à l’émission y a quelque temps avec Ariane Brunet.

Lemay :                 Ouais.

Aprin :   Oui, et lui ce qu’il a écrit, le gars en question qui s’appelle [V. O.] –

Roberge :            Oh, oui, il nomme les filles.

Arpin :   On va arrêter de, de pas nommer les tatas qui écrivent des niaiseries de même sur l’ordi. Lui ce qu’il a écrit, il a publié donc le, le livre, la couverture du livre. Il écrit « Wow, malade, de l’au-delà, Marc Lépine a mis à jour sa fameuse liste, LOL ». Évidemment y fait référence à la tuerie de l’École polytechnique. On se rappelle que Marc Lépine s’en était pris à des femmes, qu’y avait une liste de féministes de l’époque qu’il visait, pis y disait que si y avait l’temps y les passerait toutes.

Maynard :           Hm hm.

Arpin :   Mais lui, cet imbécile-là, [V. O.], il est allé faire une espèce de, de d’amalgame entre les féministes présentées dans Les Superbes en disant que c’est la prochaine liste à abattre, essentiellement. C’est ça sa joke là, tsé.

Maynard :           Exactement, ou y auraient dû être sur la liste de Marc Lépine. C’est ça qu’il, –

Arpin :   Ouais.

Maynard :           -- qu’il sous-entend. Mais moi ce qui me fait capoter c’est que on en est encore là. Moi, j’avais l’impression, tsé y en a qui disent qui a plus de, on n’a plus besoin d’être féministe. C’est un mouvement démodé. Tabarouette on est encore là, c’est encore, euh, cette semaine avec les filles dans la résidence universitaire qui sont fait agresser.

Roberge :            Quoi, c’est, il. On est, en ce moment, au cœur de cette bataille-là si tu veux mon point de vue là. Là je trouve et je trouve ça tellement le fun que les médias s’intéressent aux féministes et au féminisme –

Maynard :           Hmm hmm.

Roberge :            -- et pis qu’ils laissent la parole à beaucoup de gens de plus en plus. Pis c’est con mais cet épais-là, là, cet hostie de sans dessein-là, excuse-moi, qui écrit des commentaires de même là, ben y va donner la parole à combien de personnes qui vont s’exprimer dans les médias prochainement? Justement sur ce sujet-là qui vont peut-être faire changer des mentalités. Pis, sais-tu quoi? C’est peut-être une bonne chose qu’on, qu’on l’expose [??] –

Maynard :           C’est que on ne doit plus tolérer –

Roberge :            Oh, non, non, non.

Maynard :           Moi j’avais eu, euh, j’ai eu un coucou. J’ai été obligée de demander à la police –

Roberge :            Ouais.

Maynard :           -- d’intervenir aussi, mais câline y avait encore d’autres trognons qui trouvaient le moyen de m’écrire « ben sois ben contente que t’intéresses encore quelqu’un ». Euh, « sois ben contente que, que tu sois encore désirable pour certains, c’est un compliment ». Ben non, c’est pas un compliment. Tu peux pas écrire des immondités [sic], ou des écœuranteries à une fille sous prétexte que t’as envie d’y faire quoi que ce soit.

Roberge :            Mais ce gars-là, [V.], euh, [O.], [O.], [V. O.], c’est, c’est un troll, c’est un spécialiste. Y adore narguer les gens. Y vient régulièrement me narguer sur Twitter. Y était venu une ou deux fois pis plus d’une ou deux fois. En passant, les articles que j’avais faits sur la dépression, quand que j’en parlais. [??] Le gars se foutait de ma gueule parce que je, je j’exprimais publiquement que j’avais fait une dépression pis que je voulais venir en aide à des gens [??].

Maynard :           Oui, en même temps y en a plein des [V. O.].

Roberge :            Ah, oui il y en a.

Maynard :           C’est que ça existe encore. Si vous saviez comment c’est épeurant pour une femme de juste prendre une marche le soir. Écoute, j’ai mes deux chiens, pis j’ai peur.

Arpin :   Non mais –

Maynard :           Si vous saviez comment on panique. Moi je panique quand ma fille a pas fini de me texter « Okay, j’suis arrivée, j’suis en sécurité « , quand j’sais qu’elle fait un déplacement. C’est capoté la peur permanente avec laquelle on vit. Aussitôt qu’on marche là, on regarde en arrière sans que ça paraisse, pis là on place nos clés dans notre main parce qu’on sait pas si le gars en arrière de nous autres qui fait juste, euh, être un bon vivant qui pourrait nous protéger ou ben donc qui pourrait nous agresser.

Arpin :   Ouais.

Maynard :           C’est épouvantable en 2016 qu’on a encore ça dans la tête.

Lemay : J’trouve ça, je trouve ça d’une tristesse parce que tsé y a pas longtemps je me suis rendu compte, je pense c’est Dom qui en avait parlé, euh, tsé la jeune fille qui s’est faite agresser dans un parc quand elle faisait son jogging [??] –

Maynard :           Oui. [??]

Lemay :                -- pis on a dit crime, la fille peut même pas courir avec l’esprit – mais je trouve ça stupide d’un côté, mais d’un autre côté je m’dis cet épais-là, ça c’est mon côté superhéros tsé, y est juste brave derrière un clavier.

Maynard :           Oui.

Lemay :                Côté gars, la fille peut pas faire ça. Moi, le gars je dirais, tsé, viens me l’dire en pleine face.

Arpin :   Ah, ouais, ouais, ouais.

Lemay :                Pis on fera pas venir la police pour un tweet. Mais viens me l’dire en pleine face, va te guérir à vie, tsé. M’a te frapper tellement fort.

[Arpin rit.]

Maynard :           Mais moi j’pense qu’y faut [??] –

Lemay :                Non, je va te frapper tellement fort que tu sauras plus jamais tweeter personne. Parce que de penser que la mode du féminisme va guérir ce monde-là un moment donné pis que –

Maynard :           Non mais toi c’est parce que t’es un gars que tu dis ça. Nous autres quand on dénonce, la fille-là, on a peur qu’y vienne.

Roberge :            Exact. Tu peux pas [??] –

Maynard :           Tu comprends? On a peur qu’y trouve notre adresse.

Lemay :                [??] Exactement ce que je dis et lui en dénonçant tout ça là, y a rien que la société peut faire pour qu’un moment donné y allume pis qu’y fasse « aye, c’est vrai j’ai été stupide ». Non, y va être stupide toute sa vie. C’est pour ça que je dis malheureusement là, des fois un œil pour un œil, un coup de poing pour un coup de poing, un épais pour un coup de poing.

Maynard :           Ouais, mais tu vas régler –

Lemay :                [??] jamais, jamais, lui. Tu peux l’arrêter, tu peux le mettre en prison. Y va toujours penser que les femmes sont des, des [??] –

Arpin :   Oui mais Martin, arrête, arrête parce que là ce que tu dis c’est que toi en y sacrant une volée y va changer d’opinion. Y va pas changer d’opinion. Tsé, moi je pense que c’est une façon extrême de voir les choses.

Maynard :           Hm hm.

Arpin :   Là y a une enquête qui a été ouverte par la, la Sûreté du Québec. Je sais que des fois c’est tentant de vouloir se faire justice par soi-même, mais là, la la décision, la bonne décision a été prise avec ce gars-là. C’est que là y a une enquête de la SQ qui a été faite et, euh, on va voir si y a pas des accusations au criminel qui vont être portées. Si ce gars-là va en dedans, moi je pense que on –

Roberge :            Ça va faire peur à ben du monde.

Arpin :   Ça va faire peur à ben du monde. J’te dis pas qu’on va régler le problème avec ça, mais j’espère juste, on va conclure là-dessus, que ça va pas rester comme ça le –

Maynard :           Non, non, non.

Arpin :   [??] nouvelles dans les journaux, là. Y faut qu’on agisse contre ces tatas-là, pis qu’on passe un message.

Maynard :           Pis moi j’te dirais que tout le monde, tsé moi ça passe souvent par l’amour. J’suis tombée végétarienne par amour pour mes chiens. J’adore les homosexuels parce que mon meilleur ami est homosexuel, fait que j’suis devenue contre les homophobes comme une folle. Si vous aimez une seule femme dans votre vie, si vous aimez une fille, laissez plus aucun propos macho pis misogyne qui se prononce.

Les animateurs reviennent au sujet plus tard dans l’émission, à 8 h 52 :

Roberge :            Euhm, oui, euh, donc on revient sur le sujet qu’on a abordé tantôt dans l’Énergie de mes amis concernant le, le, le tweet épais de ce gars qui s’en est pris aux auteures du livre Les Superbes. Juste pour qu’on comprenne bien, qu’est-ce qu’y disait exactement?

Maynard :           Ben écoute, ça sonnait comme je l’ai même pas, c’était de l’au-delà il a complété sa liste, la liste de Marc Lépine, là. Il parlait de Marc Lépine, pis y faisait allusion justement à la couverture du livre Les Superbes qui est écrit par euh, par plein de femmes dont Marie-Hélène Poitras et Léa Clermont-Dion.

Arpin :   Ce livre parle de la réussite des femmes, du succès des femmes –

Maynard :           Comment ça peut déranger les hommes encore, pis écoute la messagerie texte est pleine de témoignages, est pleine de trucs, de femmes qui ont peur aussi. Pis, c’est épouvantable, y a même une femme qui, qui nous écrit « j’ai perdu ma sœur à la Poly et je constate après toutes ces années que rien n’a changé. J’en viens à me dire comme Martin que la méthode forte est peut-être la meilleure ».

Arpin :   Moi, j’ai, j’ai, hier, tantôt j’écoutais, pis là j’me disais. J’essaie de penser à mon fils et l’éducation que j’ai donnée à mon fils –

Maynard :           Oui!

Arpin :   Pis j’me dis jamais mon gars pourrait, ben écoute j’dis jamais –

Maynard :           On espère.

Roberge :            Faut jamais dire jamais.

Arpin :   [??] mais tsé on leur transfère nos valeurs, on les éduque.

Maynard :           Mm hm.

Arpin : Jamais je crois que mon gars pourrait avoir un comportement comme cet imbécile-là sur Twitter. Comme les tatas qui organisent des initiations comme, euh, à l’Université d’Ottawa –

Roberge :            Ah!

Arpin :   Pis qui déshabillent les filles, pis qui les traitent comme des objets. Comme les imbéciles qui sont allés attaquer, euh, les filles à –

Maynard :           Dans la résidence –

Arpin :   À l’université.

Roberge :            [??] glissés dans leurs lits pour les tripoter là.

Arpin :   Oui, mais moi je pense pas que la façon que j’ai élevé mon garçon y pourrait agir comme ça. Est-ce que à la base c’est pas un problème d’éducation?

Lemay :                Ouais, c’est ça que j’essayais de dire t’à l’heure maladroitement, tsé. Oui je dis pas la chose populaire en disant tout ce qu’y mérite c’est de se faire tabasser, tsé comme ces gars-là se sont glissés dans le lit des filles. Même si tu les mets en prison, ça changera rien au fait que c’est des idiots. Tsé, c’est une taloche qu’y ont de besoin. J’m’excuse, je pense comme ça, euh, sincèrement. Je veux rendre hommage, pis j’va vous expliquer mon point de vue comme ça. Tsé les nouveaux amis; j’ai rencontré un gars à [??] Québec qui s’appelle Jean-François Giroux, pis il a trois garçons, de l’âge de mes enfants. Pis, euh, un moment donné, tsé je vois JF au camping, je va à son camping, j’ai des amis qui sont là-bas, pis on se voit pis ses gars jouent avec mes filles et tout ça. Pis un moment donné je passe un commentaire, vous me connaissez avec mes filles, « tsé JF, on aimais-tu qu’on reste amis, regarde tes gars qui prennent soin de mes filles. » Ha, ha, ha, on rit, on rit et sa blonde me prend par derrière pis elle dit « tu veux pas, tu veux pas que, ça serait une grosse erreur. Tu veux que mes enfants jouent avec tes filles ». Je lui dis « pourquoi tu dis ça? » Elle dit « Jean-François martèle le mot respect de la femme dans ‘ maison ». Il dit aussi, aussi turbulents qu’ils peuvent être, parce qu’ils le sont à l’occasion –

Maynard :           C’est quoi son nom, Jean-François Martel?

Lemay :                Jean-François Giroux.

Maynard :           Okay.

Lemay :                C’est son nom.

Maynard :           Jean-François martèle; tu veux dire, euh, y arrête pas de répéter.

Lemay :                Il arrête pas.

Maynard :           Excuse-moi.

Lemay :                Il martèle le mot « respect » envers la femme.

Maynard :           Ouais.

Lemay :                Une femme qui prend soin de ça, tu lui ouvres la porte. Ses enfants tirent la chaise à leur mère dans la maison. « Jamais je veux te voir grossier, impoli avec une femme. Tu respectes ça, c’est des princesses, c’est de la douceur, c’est, c’est délicat ». Et c’est comme ça qu’il éduque ses garçons. Pis sais-tu quoi? Y est jamais trop tard pour apprendre. Martin Lemay a faite « wow ». Tout le monde devrait prendre note de ça. Quand t’as des garçons dans ta maison c’est ta responsabilité –

Maynard :           De les éduquer.

Lemay :                – qu’ils soient des garçons éduqués et respectueux de la femme. C’est pas en mettant en prison ces insolents là qu’on va changer quoi que ce soit. C’est aujourd’hui, ces enfants-là, ces petits garçons-là de quatre ans, six ans, huit ans, dix ans. C’est à vous, parents, de les éduquer –

Maynard :           Mm hm.

Lemay :                – à respecter des petites filles.

Arpin :   Bravo. Ben salutations à ton chum Jean-François.

Lemay :                Jean-François Giroux qui est un gars de campagne, qui est –

Roberge :            C’est de même qu’on change le monde –

Lemay :                – mécanicien chez John Deere, vous lui direz salut.

Roberge :            C’est de même qu’on change le monde. Tsé on essaie à tous les jours de faire du mieux qu’on peut pour essayer de changer les mentalités. Essayer de conscientiser les gens, mais changer le monde ça se fait par l’éducation, ça se fait par nos enfants et ce pour tous les sujets, que ça soit l’homophobie, que ça soit l’environnement, que ça soit whatever, quoi qui peut influencer, qui peut influencer mettons –

Maynard :           Pis il y en a plein de petits mots qu’on s’aperçoit même plus là. Les « bitchs », pis les tout ça –

Roberge :            Non c’est ça [??] tous les gens [??].

Maynard :           C’est entré dans notre vocabulaire mais on sait pas ce que ça entraîne, tsé.

Annexe B

La plainte

Le CCNR a reçu la plainte suivante par l’entremise de son formulaire Web le 26 octobre 2016 :

Nom de la station :         FM 94.3

Nom de l'émission :       Énergie le matin

Date :                                    2016/10/19

Heure :                                 entre 8 h et 9 h

Préoccupation :                Le 19 novembre [sic, évidemment octobre] entre 8 h et 9 h le matin, je conduisais ma voiture et j’ai ouvert la radio au poste FM 94.3. J’ai écouté pour la première fois une émission animée par Mélanie Maynard accompagnée de deux autres animateurs masculins dont je ne connais pas les noms. J’ai manqué une bonne partie du début de la discussion concernant un message Tweeter envoyé la veille à propos des femmes violentées et les assassinats survenus à la Polytechnique de Montréal, il y a plusieurs années.

Les trois animateurs ont dénoncé ce message Tweeter, puis traiter [sic] l’auteur de moron, de con et autres synonymes pour finalement nommer l’auteur du message en ondes; [V. O.] que je ne connais pas. On a également lu son message Tweeter à la radio. Par la suite, un animateur masculin m’a bouleversé lorsqu’il a dit [que] s'il venait à mettre la main sur ce genre de gars qui écrit ce type de message sur Tweeter, il le frapperait tellement fort pour qu'il n’ait plus jamais envie d'écrire à ce sujet. Je ne me souviens pas des mots exacts, mais c’est ce que j’ai compris et retenu.

J’aimerais savoir exactement tous les mots de cette phrase dite en ondes. J’espère que j’ai mal entendu et mal compris le sens, et si c’est le cas, je m’en excuse. Toutefois, nommer préalablement une personne et dire par la suite qu’on voudrait le frapper constitue une menace, soit une infraction au Code criminel. Indirectement, cela suggère également aux auditeurs de s’en prendre physiquement à toute personne écrivant un message stupide, déplacé, choquant ou haineux sur Tweeter, incluant [V. O.]. Prôner la violence est illégal et ne correspond pas aux normes de l’industrie de la communication radiophonique au pays.

Comprenez-moi bien. Je ne suis pas un partisan de messieurs [O.] ou autre auteur de messages inacceptables, blessants, dégradants ou haineux. Malheureusement, il est difficile d’empêcher quiconque d’écrire de tels messages. Cela dit, il faut quand même que les animateurs fassent attention à leurs réactions en ondes. Il faut savoir se contrôler, dénoncer fermement de façon convenable et par la suite, la meilleure solution est de communiquer avec la police. Les auditeurs n’ont pas à entendre des menaces ou des propos favorisants l’usage de la violence à la radio. Franchement!

Finalement, l'autre animateur masculin a essayé de corriger l’incident en disant que « ce n'est pas en le frappant qu'il changera d'idée ». Désolé, mais ce n’est pas suffisant. Le poste de radio aurait dû dire clairement que l’usage de la violence n’est pas admis dans notre société. Ne rien dire en ce sens équivaut à accepter ce qui a été dit.

Je suis certain qu’il y a eu un malaise parmi les milliers d’auditeurs et probablement au poste de radio, mais on n’a pas fait grand effort pour corriger la situation. J’ai éteint ma radio avant la fin de l’émission et je ne pense pas écouter à nouveau cette chaine.

Merci de clarifier.

La réponse du radiodiffuseur

Le radiodiffuseur a répondu au plaignant le 22 novembre :

Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (« CCNR ») nous a transmis vendredi dernier votre plainte concernant des propos tenus par le chroniqueur sportif Martin Lemay dans le cadre de l’émission ÉNERGIE le matin en date du 19 octobre 2016 diffusée sur les ondes de la station ÉNERGIE 94.3 (l’« Émission »).

Soyez assuré que les commentaires et les préoccupations de nos auditeurs nous tiennent à cœur et que nous traitons votre plainte avec sérieux. Nous avons écouté la bande-témoin de l’Émission et devons admettre que les propos tenus par M. Lemay, bien que partant d’un sentiment protecteur envers les femmes visées par un tweet très violent suggérant qu’elles devaient être tuées, ont dépassé sa pensée et que ce type de propos n’a pas lieu d’être à la radio. D’ailleurs, nous avons rencontré M. Lemay après cet épisode pour lui rappeler que ses propos étaient inacceptables et qu’une telle situation ne devait pas se reproduire dans le futur.

Bell Média est une entreprise sérieuse dont les stations visent toujours l’excellence dans leur programmation, et nous sommes sincèrement désolés que des propos diffusés en ondes aient pu vous offenser. Nous espérons que vous continuerez d’écouter ÉNERGIE.

Nous vous remercions de nous avoir fait part de vos préoccupations et n’hésitez pas à communiquer avec nous pour toute question ou commentaire supplémentaire.

Correspondance afférente

Le plaignant a déposé sa demande de décision le 4 décembre :

Dans la réponse que j’ai reçue, le diffuseur a reconnu que le type de propos tenu par l’un de ses animateurs de cette émission n'a pas lieu d'être à la radio. Le diffuseur reconnait l’incident et assure que cela ne se répètera plus.

Ce que je déplore dans la réponse du radiodiffuseur, c'est le manque de conséquence ou de réparation. Certes, on peut dénoncer des messages Tweeter haineux, mais la façon de le faire est importante. Il y a surement eu des enfants, des adolescents et des gens de diverses cultures et religions qui ont été mal à l’aise tout comme moi en écoutant cette diffusion.

Je crois que le poste radiophonique devrait présenter un message de réparation au public. À mon avis, le message devrait être clair sur l’infraction au code, sans pour autant tomber dans les détails.

Merci