CFTM-DT (TVA Montréal) concernant Indéfendable (« Acharnement » et « Sugar Daddy »)

comité décideur francophone
Décision CCNR 20.2223-0386
2023 CCNR 1
24 mai 2023
S. Courtemanche (Présidente), K. Dubé, P. Gratton, M. Lorrain, P. Ouimet, C. Scott

Les faits

Indéfendable est une dramatique centrée sur le cabinet juridique Lapointe-Macdonald et sur son équipe de défense criminelle. TVA (CFTM-DT, Montréal) diffuse l’émission à 19 h 30[1]. Le CCNR a reçu des plaintes concernant des scènes de suicide dans deux épisodes. Le premier, « Acharnement », a été diffusé le 28 novembre 2022, et le second, « Sugar Daddy », le 28 février 2023.

Pour chaque épisode, TVA a diffusé la mise en garde suivante en format audio et vidéo au début de l’émission et au retour des pauses publicitaires :

Avertissement : Cette émission comporte des scènes de violence. Nous préférons vous en avertir.

L’icône 8+ a été affichée à l’écran pendant 15 secondes au début de chaque émission.

L’épisode « Acharnement » tourne autour d’une femme, Elena Panepinto, accusée du meurtre de son mari, Dario. Madame Panepinto, qui attend le verdict de son procès, est représentée par l’avocat Léo Macdonald. Dans les épisodes précédents, il a été établi qu’Elena avait été victime de violence conjugale et qu’elle prétend ne pas se souvenir d’avoir tué son mari. Entre-temps, le jury déclare Elena non coupable et celle-ci rentre chez elle.

Quelques jours plus tard, Elena reçoit un avis d’appel du verdict. Paniquée, elle téléphone à Léo qui l’assure que l’appel n’aboutira pas et qu’il viendra la voir chez elle, le lendemain, pour discuter de la chose. Le lendemain, lorsque Léo arrive chez elle et qu’il ouvre sa porte, il est stupéfait par ce qu’il voit : devant son visage étonné, on voit ensuite les pieds d’Elena qui pendent dans l’escalier. La caméra fait alors un panoramique le long du corps d’Elena avant de s’arrêter sur son visage aux yeux fermés, étranglée par une corde électrique attachée à la balustrade.

Plus tard dans l’épisode, un « flashback » présente ce qui est vraiment arrivé la journée du meurtre. Dans cette scène, Dario harangue Elena de lui faire un « lunch ». Il saisit le bras d’Elena qui tient un pot de confiture et celle-ci laisse tomber le pot qui éclate au sol. Elena halète et Dario, fâché, crie « Regarde ce que t’as fait! » Dario pousse Elena vers l’évier pour mouiller une guenille, puis il l’oblige à se mettre à genoux et crie « Nettoie! » Elena se met à pleurer et Dario crie « Vas-y! Arrête de pleurer. » Elena se relève. Dario la prend par le cou, la pousse contre le mur et tente de lui envoyer un coup de poing au visage, mais celle-ci tourne la tête et le poing de Dario enfonce le mur. Les deux hurlent, Elena de peur et Dario de douleur. Dario frotte sa main pour soulager la douleur et crie contre Elena qui ouvre le tiroir de la cuisine et en sort un couteau. Dario tient Elena par l’épaule. Elle fait un geste vers lui et Dario hurle encore plus fort. Elena pleure encore plus fort. On voit alors les pieds de Dario et du sang qui goutte sur le plancher. Puis Dario monte les escaliers en boitant et en criant à Elena, en italien, qu’elle est folle et qu’il la tuera. Il entre dans la salle de bain et ferme la porte tandis que du sang coule. Elena pleure dans le corridor.

Dans le second épisode, « Sugar Daddy », un homme soupçonné d’être impliqué dans le meurtre d’un agriculteur est dans son salon. Cet homme, Alain Royer, est agité et semble très nerveux. Il y a de la cocaïne sur la table de salon. Une carabine en main, il se dirige vers la chambre à coucher où dort son épouse, Julie. Il pointe la carabine vers elle, se met à pleurer et retourne dans le salon. Il s’assied sur le sofa. Il met la crosse de la carabine sur la table et oriente la bouche du canon vers sa poitrine. On suit avec un gros plan sur son visage angoissé. Un coup de feu éclate ensuite et on voit sursauter Julie qui ouvre les yeux, sort de son lit et va dans le salon. Elle (et le téléspectateur) voit Alain effondré sur le sofa, une blessure par balle dans la poitrine. Julie crie le nom d’Alain et se met à pleurer.

Le 28 novembre 2022, le CCNR a reçu une plainte concernant l’épisode diffusé à cette date au motif que TVA n’a pas appliqué les « bonnes pratiques médiatiques pour aborder la problématique du suicide » en montrant en détail une personne suicidée par pendaison.

TVA a répondu à la plaignante le 30 janvier 2023. Le télédiffuseur note avoir diffusé des mises en garde à l’auditoire pendant l’émission, et il précise que la scène du suicide s’inscrit dans l’arc narratif du personnage et dans le thème des difficultés vécues par les avocats criminalistes dans le cadre de leurs relations avec leurs clients. Pour ces raisons, TVA estime ne pas avoir contrevenu aux codes des normes de la radiodiffusion.

La plaignante a remis sa demande de décision le 12 février en indiquant qu’elle demeurait insatisfaite. Si elle ne remet pas en question le contexte de l’histoire, elle en a contre « la façon que le sujet fut abordé ». Elle mentionne le site web de l’Association québécoise de prévention du suicide et conteste la décision de diffuser cet épisode à une heure où les enfants peuvent le regarder. Elle cite les statistiques de suicide au Québec et se plaint de l’absence des numéros de téléphone des ressources de prévention du suicide à la fin de l’émission.

Le 6 mars, elle soumet une autre plainte soulevant les mêmes préoccupations à propos de l’épisode du 28 février. TVA a fourni des explications supplémentaires au CCNR le 23 mars. TVA note qu’il a diffusé un panneau à la fin du deuxième épisode affichant les coordonnées pour obtenir de l’aide à la désintoxication et à la prévention du suicide. TVA explique que le panneau n’a pas été placé à la fin de l’épisode lié à la première plainte « dû à une erreur humaine. Normalement, ces panneaux sont toujours affichés à la fin d’épisodes sensibles. » (La correspondance complète figure dans l’annexe.)

La décision

Le comité décideur francophone a étudié la plainte à la lumière des dispositions suivantes du Code concernant la violence de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) :

Code de l’ACR concernant la violence, article 1.0 – Contenu

1.1 Les télédiffuseurs canadiens ne doivent pas diffuser d’émissions qui :

(*« Gratuite » s’entend de ce qui n’est pas inhérent au déroulement de l’intrigue, à l’évolution des personnages ou au développement du thème de l’émission dans son ensemble).

Code de l’ACR concernant la violence, article 3.0 – Horaire des émissions

3.1 Programmation

3.1.1 Les émissions comportant des scènes violentes et destinées à un auditoire adulte ne doivent pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h et 6 h.

Code de l’ACR concernant la violence, article 4.0 – Classification

Système de classification pour les télédiffuseurs canadiens de langue française

8 + (Général – Déconseillé aux jeunes enfants)

Cette émission convient à un public large mais elle contient une violence légère ou occasionnelle qui pourrait troubler de jeunes enfants. L'écoute en compagnie d'un adulte est donc recommandée pour les jeunes enfants (âgés de moins de 8 ans) qui ne font pas la différence entre le réel et l'imaginaire.

13 +

L’émission ne peut être vue, achetée ou louée que par des personnes de 13 ans et plus. Les enfants de moins de 13 ans peuvent y avoir accès s’ils sont accompagnés par un adulte.

Le Ministère classe dans cette catégorie les films qui nécessitent du discernement. Ces émissions comportent des passages ou des séquences qui peuvent heurter la sensibilité d’un public plus jeune.

Par exemple, les adolescents, conscients des artifices du cinéma, sont psychologiquement mieux armés pour voir des émissions plus complexes ou impressionnantes. Aussi, la violence, l’érotisme, le langage vulgaire ou l’horreur peuvent y être plus développés que dans les émissions classées « Visa général ». Ces thèmes peuvent même caractériser les œuvres en question. Les émissions doivent toutefois démontrer clairement le sens des actions des personnages, puisque les adolescents n’ont pas encore atteint la maturité nécessaire pour affronter certaines thématiques (drogue, suicide, situations troubles, etc.). Celles-ci sont donc examinées avec beaucoup d’attention. Le Ministère invite d’ailleurs les parents à tenir compte de l’avis formulé dans cette catégorie de classement.

16 +

L’émission ne peut être vue, achetée ou louée que par des personnes de 16 ans et plus.

Vers l’âge de 16 ans, les jeunes effectuent le passage de l’adolescence vers l’âge adulte et acquièrent une certaine maturité psychologique.

Les émissions classées dans cette catégorie exposent des thématiques, des situations ou des comportements troublants. Ils expriment un point de vue plutôt direct sur les choses et peuvent contenir des scènes où la violence, l’horreur et la sexualité sont plus détaillées que dans les émissions classées des catégories « Visa général » (avec l’indication « Déconseillé aux jeunes enfants » ou non) et « 13 ans et plus ».

Les membres du comité décideur ont lu toute la correspondance afférente et ont visionné les deux épisodes en question. Le comité conclut que TVA n’a pas enfreint les articles 1.0 et 3.0, mais qu’il a enfreint l’article 4.0 en classant ces épisodes 8+ alors que la classification 13+ est plus appropriée.

Puisque la plaignante est d’avis que TVA n’a pas appliqué les « bonnes pratiques médiatiques pour aborder la problématique du suicide », les questions soumises au comité concernant les deux épisodes de l’émission Indéfendable sont les suivantes :

En ce qui concerne les questions de la violence gratuite et/ou le contenu qui endosse, encourage ou glorifie la violence, le CCNR a statué que, dans un contexte dramatique – ce qui est le cas de ces épisodes de la série Indéfendable –, le fait que la violence soit explicite ou sordide ne signifie pas nécessairement qu’elle est gratuite pourvu qu’elle soit inhérente au déroulement de l’intrigue, à l’évolution des personnages ou au développement du thème. Selon le CCNR, ce type d’émission n’endosse pas, ne glorifie pas ou n’encourage pas la violence surtout lorsqu’on insiste sur les conséquences négatives de la violence.

Le CCNR a tranché la question de la violence gratuite dans CTV concernant Complex of Fear (Décision CCNR 94/95-0022, 18 août 1995). Dans sa décision, le comité décideur a conclu que les quatre scènes de viol du film ne constituaient pas une infraction à la deuxième partie de l’article 1.1 du Code concernant la violence.

Ces scènes n’ont aucunement encouragé ou glorifié la violence à l’endroit des femmes. Bien que le film traite d’un genre de crime qui se définit par la violence faite aux femmes, le film comme tel ne présente pas de la violence gratuite ou non nécessaire à l’endroit des femmes. Autrement dit, le Conseil a affirmé qu’un film au sujet du viol ne justifie pas nécessairement le viol.

Par ailleurs, dans la décision CKCO-TV concernant Kazan (Décision CCNR 96/97-0226, 20 février 1998), le comité a examiné un film dans lequel on montrait un homme qu’on étrangle, ainsi que le chien Kazan qui reçoit des coups de poing, des coups de pied et qu’on tente de noyer. Le comité a jugé qu’aucune des scènes ne renfermait de la violence gratuite ou ne glorifiait la violence.

Compte tenu de l’histoire que raconte ce film de long métrage, les éléments de violence qu’il recèle, au demeurant peu nombreux, sont inhérents à la fois au développement du personnage du chien et à la progression des étapes dramatiques de l’intrigue. Bien que la violence ne soit jamais l’aspect agréable d’une histoire, elle en est souvent un élément déterminant. C’est bien ce qui se passe dans ce cas.

[…]

Dans le contexte de Kazan, étant donné que tous les auteurs de la violence sont dépeints comme des êtres méprisables, il faudrait déployer beaucoup d’imagination pour conclure que le film encourage la violence d’une façon ou d’une autre.

Dans VRAK.TV concernant Charmed (« Histoire de fantôme chinois ») (Décision CCNR 02/03-0365, 17 juillet 2003), le comité a traité une plainte concernant un épisode de cette série dramatique au sujet de trois bonnes sorcières. L’épisode a commencé avec une scène dans laquelle un jeune homme est encerclé dans une ruelle par une bande de voyous. Ceux-ci l’abattent, mais on ne voit ni sang ni blessure. Ils versent ensuite de l’essence sur le cadavre et y mettent le feu. Plus tard dans l’épisode, les personnages rencontrent une créature maléfique aux yeux incandescents qui porte un masque à cornes. Vers la fin de l’épisode, une des sorcières utilise ses pouvoirs de télékinésie pour précipiter le chef de la bande meurtrière au bas d’un escalier. Il y a échange de coups de feu entre lui et la police et le chef de la bande est tué. La lance de la vilaine créature à cornes transperce le « corps » du fantôme du jeune homme tué au début. L’intrigue comportait un deuxième volet et une scène où l’un des personnages principaux a des visions d’un homme qui se fait renverser par une voiture. Un téléspectateur s’est plaint que cet épisode renfermait de la violence inutile qui n’était pas convenable pour des enfants. Le comité a conclu que l’épisode ne posait pas de problème quant à la violence gratuite :

Le plaignant était préoccupé par la « violence inutile » présentée dans le cadre de l’épisode visé. Le Comité ne partage pas son opinion. Premièrement, il trouve qu’il y avait en fait très peu de violence dans l’épisode. Ensuite, il en vient à la conclusion que le quelque peu de violence présente se rattachait entièrement au déroulement de l’intrigue. Même s’il est également vrai que les scènes auraient pu bouleverser quelque peu les jeunes téléspectateurs, cela ne signifie pas qu’il s’agissait de violence gratuite. [...] Bien entendu, il n’y a pas de mesure à prendre pour remédier à la violence gratuite dans le sens qu’elle n’est ni sensible au temps ni susceptible de faire l’objet de mesures correctives sous forme de mises en garde aux téléspectateurs concernant ce genre de contenu. Au Canada, il est interdit de diffuser de la programmation qui renferme de la violence gratuite à la télévision.

Le CCNR a aussi examiné un épisode d’une série dramatique portant sur le monde du journalisme d’enquête dans CTV concernant The Eleventh Hour (« Hard Seven ») (Décision CCNR 03/04-1738, 15 décembre 2004). L’épisode renfermait des scènes de violence : le constat d’un suicide par pendaison, un prisonnier qui se fait battre, une rétrospective sur un viol en prison et un homme qui se fait tuer par une balle. Un téléspectateur a qualifié cet épisode de [traduction] « cru, répugnant, brutal et dégoûtant ». Le comité a observé que l’épisode avait été diffusé durant la plage des heures tardives et a conclu que la violence dans ce cas n’était pas gratuite.

Le fait que la violence soit ou non gratuite dépend de l’interprétation donnée à l’intrigue et au développement des personnages dans chaque émission. Dans la présente affaire, […] le comité a trouvé qu’aucun de ces « actes violents » ne dérogeait au drame. En d’autres mots, chacun d’entre eux s’inscrivait dans le contexte et jouait un rôle dans la progression de l’intrigue et se justifiait, non pas, bien entendu, au sens juridique, mais par rapport à la « loi » qui règne en prison.

[…]

Dans l’épisode en question, le comité est d’avis que la scène impliquant un suicide et les deux scènes de violence carcérale sont inhérentes au développement de l’intrigue et des personnages. […] Les actes de violence sont relativement peu fréquents et s’inscrivent dans le contexte des deux récits. En ce sens, ils n’étaient donc pas gratuits.

Dans le cas présent, le comité décideur estime que les scènes de violence, y compris les scènes de suicide, sont « inhérentes au développement de l’intrigue et des personnages » et que les actes de violence n’englobent pas la majorité des récits. Il concède que certaines images peuvent être difficiles à regarder, mais pense que leur présentation n’endosse pas ou n’encourage pas et ne glorifie certainement pas la violence. Ces scènes ne constituent donc pas de la violence gratuite. Les conséquences de la violence de ces épisodes démontrent clairement les effets sur les proches et sur la société en général, un fait important puisque cette violence « jouait un rôle dans la progression de l’intrigue ».

Sur la question de la mise à l’horaire, l’article 3.0 du Code de l’ACR concernant la violence ne définit pas l’intensité, la nature ou la quantité de violence nécessaires pour en faire des scènes « destinées à un auditoire adulte ». Il laisse le soin au CCNR, par le biais de ses décisions, d’interpréter le sens de cette phrase. Il n’y a pas de formule mathématique pour cerner la définition, mais le CCNR a fait savoir qu’il tiendrait compte de facteurs comme la vision du sang, un réalisme trop cru, un climat d’épouvante ou de suspense et le ton ou le thème général d’une émission. Les émissions qui renferment une quantité significative de sang, de brutalité ou de violence explicite appartiennent à la catégorie « destinées exclusivement à un auditoire adulte ». Conséquemment, les émissions renfermant des scènes d’une violence qui n’est pas particulièrement sanglante ou explicite n’entrent pas dans la catégorie des émissions « destinées aux adultes » et peuvent être montrées à toute heure du jour, bien qu’elles puissent être considérées dans certains cas comme « ne convenant pas aux jeunes enfants ».

Dans TQS concernant le long métrage L’inconnu (Décision CCNR 98/99-0176, 23 juin 1999), le comité a déterminé que la télédiffusion par TQS du long métrage L’inconnu à 19 h 30 avait violé la disposition sur l’horaire dans le Code de l’ACR concernant la violence. Le comité a trouvé que certaines des scènes du film représentaient la violence et la sexualité de façon telle qu’il fallait les considérer comme étant destinées à des auditoires adultes.

Dans ce cas-ci, le Conseil n’hésite pas à conclure que les éléments combinés de peur, de suspense, de sang et de scènes explicites dont il est question dans la décision concernant Kazan sont présents dans le long métrage L’inconnu, du moins dans les scènes montrant le chat mutilé, l’écriture sur le mur avec du sang et la confrontation finale où la psychiatre tue son père et son amant. Le Conseil estime que la présence de ces éléments, associée à la nature de suspense et de frayeur du film, font que les scènes susmentionnées sont « réservées à un auditoire adulte ». [...]

Ayant déterminé que le film contenait des scènes de violence et de sexe destinées à un auditoire adulte, le Conseil doit conclure que le long métrage n’aurait pas dû être diffusé avant la plage des heures tardives de la soirée. De ce fait, le Conseil conclut que le télédiffuseur a enfreint l’article 3.1 du Code concernant la violence à la télévision qui précise que « les émissions comportant des scènes violentes et destinées à un auditoire adulte ne doivent pas être diffusées avant le début de la plage des heures tardives de la soirée, plage comprise entre 21 h et 6 h ».

Dans une autre décision, le CCNR a examiné deux épisodes d’une série dramatique policière qui suivait les activités d’un groupe d’enquêteurs spéciaux utilisant des techniques de criminalistique pour élucider des crimes commis dans la ville de New York dans TQS concernant deux épisodes de Les experts : Manhattan (CSI : New York) (Décision CCNR 08/09-0880, 11 août 2009).

Chaque épisode commençait par l’enquête autour d’un cadavre sur le lieu du crime, y compris des gros plans de blessures. On transportait ensuite les cadavres au laboratoire pour effectuer les autopsies et le téléspectateur voyait les cadavres sur les tables d’autopsie et les incisions qui leur avaient été faites. L’enquête révélait de plus en plus de détails sur les meurtres avec des retours en arrière. Par exemple, on avait plongé un crochet pointu dans l’estomac d’une jeune femme dont le corps avait été lancé par une fenêtre avant d’atterrir sur le toit d’un autobus scolaire. Une autre femme avait été poussée sur le boyau d’un réservoir d’azote liquide de sorte que le boyau lui avait transpercé la poitrine et la température intensément froide avait causé une crise cardiaque.

Le deuxième épisode concernait un homme battu et frappé à la bouche avec le canon d’une carabine et une jeune femme mortellement blessée par une carabine lancée du haut du toit d’un appartement. Les deux épisodes ont été diffusés à 20 h. Le comité a conclu que les scènes violentes étaient destinées exclusivement à un auditoire adulte et que ces épisodes auraient donc dû être diffusés seulement après 21 h. Le comité a conclu que :

[…] le niveau de scènes sanglantes et du caractère explicite des meurtres, y compris plonger un crochet dans l’estomac d’une femme et lancer son corps par une fenêtre d’où il atterrit sur le toit d’un autobus scolaire, plonger un boyau d’azote liquide dans la poitrine d’une femme, battre un homme à mort avec la crosse d’une carabine et tuer ensuite une femme d’une balle tirée par cette carabine lorsqu’elle est lancée d’un immeuble, tout cela mérite d’être qualifié d’excessivement adulte. Toutes ces scènes montraient des détails précis, explicites, réalistes et des plus vifs. Le Comité conclut que toute diffusion avant le début de la plage des heures tardives de ces épisodes de Les experts : Manhattan enfreint la disposition sur l’horaire des émissions de l’article 3 du Code de l’ACR concernant la violence.

Dans TQS concernant un épisode de Coroner (Décision CCNR 98/99-0162, 23 juin 1999), le comité décideur a étudié une plainte concernant la mise à l’horaire à 19 h 30 d’une émission dramatisant les dossiers réels d’un coroner. L’épisode en question traitait de la mort d’un homme qui s’était adonné à des pratiques sadomasochistes. Un pathologiste a expliqué les principes de la momification, alors qu’un criminologue-sexologue et un psychologue ont chacun proposé des idées sur le mobile et l’intention sous-jacents aux causes de ce décès. Les scènes reconstituant le décès montraient une femme vêtue d’un corset de cuir et de bas filet ligotant l’homme, lui mettant une corde au cou puis tirant sur la corde. Le comité a conclu que les scènes n’étaient pas destinées exclusivement aux auditoires adultes et que TQS n’avait donc pas enfreint le paragraphe 3.1.1 en diffusant l’émission avant 21 h.

Dans un autre cas, le comité décideur de la décision VRAK.TV concernant Charmed (« Histoire de fantôme chinois ») (Décision CCNR 02/03-0365, 17 juillet 2003) a traité une plainte concernant un épisode de cette série dramatique à propos de trois bonnes sorcières, diffusé à 19 h. Le comité a conclu que l’épisode ne posait pas de problème quant à l’horaire et la violence gratuite.

[...L]e contenu est loin d’être exclusivement à l’intention d’un auditoire adulte, ce qui lui permet par conséquent d’être diffusé avant 21 h (le début de la plage des heures tardives). Le fait que le contenu soit quelque peu bouleversant pour les jeunes téléspectateurs ne signifie pas qu’il doit automatiquement paraître après le début de la plage des heures tardives.

Un comité du CCNR a dû évaluer une série dramatique policière dans Séries+ concernant CSI : Miami (Décision CCNR 09/10-1730, 25 janvier 2011). La série suivait les activités d’un groupe d’enquêteurs spéciaux se servant de techniques de criminalistique pour élucider des crimes. Il y avait fréquemment, dans des épisodes de l’émission, des scènes montrant l’exécution de crimes violents au moment où ils avaient lieu dans l’histoire et aussi dans des retours en arrière pendant que les enquêteurs reconstituaient les faits. Séries+ diffusait cette émission à 17 h.

Le CCNR a reçu une plainte d’un téléspectateur qui trouvait l’émission trop violente pour être diffusée à 17 h et qui rappelait que dans une décision précédente du CCNR impliquant une version différente de l’émission (Les experts : Manhattan (CSI : New York)), le comité décideur avait trouvé que le télédiffuseur n’aurait pas dû diffuser l’émission avant 21 h. Le plaignant a noté quatre épisodes de l’émission qui l’ont dérangé. Ces épisodes renfermaient des scènes d’un homme frappé dans l’abdomen avec une pioche, d’une femme en matraquant une autre avec un bâton de golf, d’un homme assis sur le toit d’une voiture qui est décapité par un fil de fer suspendu à travers la route, et d’un homme qui poignarde sa petite amie avec un coupe-papier.

Le comité a comparé les scènes dans les deux séries de CSI et trouvé que dans celle-ci « la violence était bien moins explicite, réaliste, vive et intense que celle abordée dans la décision TQS CSI : New York », et qu'il n’y avait donc pas d’infraction au code dans la diffusion de ces épisodes avant 21 h. Le comité a estimé « important de souligner que sa décision se rapporte aux quatre épisodes de CSI : Miami qu’il a lui-même évalués. Le télédiffuseur a été averti de faire bien attention que d’autres épisodes de la série ne franchissent pas la limite du contenu "destiné exclusivement aux adultes" ».

Le comité décideur est d’avis que les épisodes en question de l’émission Indéfendable renferment sans aucun doute du contenu qui pourrait affecter des auditoires plus jeunes. Même si elle est difficile à regarder, cette dramatique pourrait être vue comme un moment d’apprentissage pour de jeunes auditoires. Étant donné que la violence ici n’est pas gratuite et que l’émission n’endosse pas et ne glorifie pas la violence, le comité conclut que ce contenu n’est pas nécessairement destiné à un auditoire adulte. Toutefois, il est vrai qu’il faut une certaine maturité pour voir ce type de contenu, et cet aspect sera déterminant pour traiter de la question de la classification donnée à ces épisodes, tel qu’expliqué ci-dessous.

La question de la classification 8+ donnée par TVA à ces deux épisodes de la série Indéfendable est la dernière question étudiée par le comité décideur. Le CCNR évalue le bien-fondé de la classification assignée à chaque émission pour laquelle il reçoit une plainte. S’il constate que la classification assignée était incorrecte, ou s’il n’y en a pas eu du tout, il conclura que le télédiffuseur a violé l’article 4.0 du Code de l’ACR concernant la violence.[2]

Dans l’Avis public CRTC 1997-80, Système de classification de la violence dans les émissions de télévision, le CRTC a consenti à ce que les télédiffuseurs de langue française utilisent le système de classification de la Régie du cinéma du Québec, plutôt que le système du Groupe d’action sur la violence à la télévision (GAVT) qu’emploient les télédiffuseurs de langue anglaise. On considérait que les auditoires québécois étaient déjà habitués au système de la Régie. Depuis le 1er avril 2017, la Régie a été abolie et la responsabilité pour le classement des films est intégrée aux activités du ministère de la Culture et des Communications du Québec.

Le système de la province du Québec comporte quatre niveaux : G, 13+, 16+ et 18+. Les télédiffuseurs y ont ajouté la catégorie 8+. La description des quatre catégories de la province est fournie par le ministère de la Culture et des Communications lui-même, tandis que la description de la catégorie 8+ a été rédigée par les membres francophones du GAVT.

Comme le suggèrent les descriptions, le type de contenu qu’on retrouve dans les différentes catégories varie en fonction de la nature et de la quantité de violence, de nudité, de sexualité, de langage grossier et de thèmes adultes. Une émission classée G peut être vue par des personnes de tout âge. Une émission classée 8+ renferme une légère dose de violence ou d’un autre type de contenu qui ne convient pas aux très jeunes enfants. Dans la catégorie 13+, la violence, l’érotisme et le langage vulgaire peuvent y être plus développés. Les émissions cotées 16+ peuvent renfermer des scènes de violence intense ou de sexualité explicite. Enfin la catégorie 18+ est réservée à des scènes de sexualité très explicites et de violence extrême.

Tel que décrit précédemment, le CCNR a déjà traité, dans VRAK.TV concernant Charmed (« Histoire de fantôme chinois ») (Décision CCNR 02/03-0365, 17 juillet 2003) une plainte concernant un épisode diffusé à 19 h d’une série dramatique qui évoquait trois bonnes sorcières. En ce qui concerne la classification 13+ donnée à cet épisode, le comité a constaté ce qui suit :

Le Comité estime que la classification 13+ était tout à fait appropriée pour l’émission. Comme nous le faisons remarquer plus haut, le contenu à caractère violent était à la fois restreint et pertinent pour le déroulement de l’intrigue.

Un autre comité du CCNR a également conclu que la classification 13+ donnée à une dramatique policière détaillée plus tôt (Séries+ concernant CSI : Miami (Décision CCNR 09/10-1730, 25 janvier 2011)) était acceptable, car « la violence était bien moins explicite, réaliste, vive et intense que celle abordée dans la décision TQS CSI : New York » dans laquelle le CCNR avait conclu que le télédiffuseur n’aurait pas dû diffuser l’émission avant 21 h et qu’il aurait dû la classer 16+ parce que « la violence [était] trop détaillée, explicite et réaliste ».

Dans TVA concernant Les jeunes loups (Décision CCNR 13/14-0808, 10 septembre 2014), le comité décideur a étudié deux épisodes d’une émission dramatique portant sur une équipe de jeunes journalistes. Un épisode renfermait des scènes de violence, notamment celle où un homme tire sur une policière, puis les photos du visage ensanglanté de la policière. TVA a diffusé les épisodes à 21 h avec une icône de classification 13+ V (« V » pour « violence »). Le comité a conclu que 13+ était la bonne classification pour l’émission parce que le langage, ainsi que les scènes de sexualité et de violence « ne sont pas suffisamment explicites ou d’une violence telle que des adolescents ne puissent les visionner ».

En ce qui concerne la pertinence d’utiliser la classification 8+ plutôt que 13+, le comité décideur de TQS concernant deux épisodes de Les experts: Manhattan (CSI: New York) (Décision CCNR 08/09-0880, 11 août 2009) a conclu que les épisodes auraient dû être classés 16+ :

En ce qui concerne le choix de la classification 8+ par le télédiffuseur, il ressort clairement de la nature et du niveau de la violence (tels que discutés dans la section précédente de la présente décision) qu’une classification plus élevée s’impose. À cet égard, le Comité estime que 16+ conviendrait. Le Comité juge que la violence est trop détaillée, explicite et réaliste pour passer à la télévision avant 21 h. Néanmoins, il considère que les adolescents âgés de 16 ans possèdent le jugement voulu pour regarder une émission du genre avec discernement, et que la classification 16+ aurait été celle qui convenait. Pour conclure, le Comité trouve que TQS a enfreint l’article 4 du Code de l’ACR concernant la violence pour ne pas avoir affiché l’icône de classification 16+ au début de l’émission.

Enfin, dans Canal D concernant C’est incroyable! (« Malfaiteurs Détraqués ») (Décision CCNR 11/12-0954, 18 septembre 2012), le comité décideur a examiné un épisode d’une téléréalité qui présentait de véritables crimes, pendant leur perpétration, à partir d’images captées par des caméras de surveillance ou par des passants utilisant leurs appareils mobiles. Un narrateur décrivait le contexte qui entourait l’action et il y avait parfois des entrevues avec des policiers ou des individus impliqués. La plupart des crimes étaient de nature violente. Par exemple, deux hommes entraient dans un restaurant, donnaient des coups de pied dans l’entrejambe d’un serveur et enlevaient une femme en la tirant par les cheveux; un homme tenait une jeune fille en otage avec un grand couteau; un autre projetait violemment sa compagne contre un mur de briques; des échanges de coups de feu pendant une attaque à main armée dans une épicerie; un combat sanglant entre voisins; et des combats de rue entre deux bandes de jeunes. Les extraits étaient diffusés en boucle, pendant l’émission comme telle et comme aguiches juste avant les pauses publicitaires. Canal D diffusait l’émission à 14 h. Le CCNR a reçu une plainte d’une téléspectatrice qui déplorait qu’on permette que cette « violence inouïe » et cette « folie meurtrière » soient diffusées en plein jour. Elle faisait valoir que les jeunes imitent ce type d’actes qu’ils voient à la télévision. La station a répondu que l’émission ne glorifiait pas la violence, qu’elle l’avait classée 13+ et avait diffusé des mises en garde. Bien que le comité ait trouvé que la diffusion n’avait pas violé l’article 1 du Code de l’ACR concernant la violence, il a conclu que l’émission aurait dû passer seulement après 21 h et être classée 16+ parce que « cette émission [...] contenait de très nombreuses scènes de violence très détaillées et non pas seulement des passages ou séquences pouvant heurter la sensibilité d’un jeune public ».

Dans le cas présent, le comité décideur considère que le visionnement de ces deux épisodes de la série Indéfendable nécessite une certaine maturité. Les thèmes de ces épisodes sont entre autres la violence conjugale, le meurtre et le suicide, et même si ce contenu violent ne monopolise pas ces épisodes, les répercussions de la violence conjugale et le suicide font partie intégrante des dramatiques et de leurs images.

La classification 8+ est considérée comme du contenu pour toute la famille (général), mais elle reste déconseillée pour jeunes enfants. Il s’agit d’une violence « légère ou occasionnelle qui pourrait troubler de jeunes enfants. » Pour les jeunes enfants (moins de 8 ans), qui ne font pas la différence entre le réel et l’imaginaire, l’écoute avec un adulte est donc recommandée.

La classification 13+ s’applique à un contenu qui exige du discernement, car les « émissions comportent des passages ou des séquences qui peuvent heurter la sensibilité d’un public plus jeune. » Par exemple, les adolescents « sont psychologiquement mieux armés pour voir des émissions plus complexes ou impressionnantes. » Par ailleurs :

Les émissions doivent toutefois démontrer clairement le sens des actions des personnages, puisque les adolescents n’ont pas encore atteint la maturité nécessaire pour affronter certaines thématiques (drogue, suicide, situations troubles, etc.). Celles-ci sont donc examinées avec beaucoup d’attention.

Par conséquent, la définition de la classification 13+ s’applique à un certain type de contenu, dont le suicide, qui démontre clairement le sens des actions des personnages, ce qui est certainement le cas avec les émissions en cause. De plus, ce contenu exige une certaine maturité qui, de l’avis du comité, dépasse la classification donnée par le télédiffuseur, soit 8+. En effet, le dénouement du suicide, et surtout les scènes visuelles telle la pendaison du personnage Elena, exigent un discernement et une maturité qui dépasse la classification 8+. De plus, la longue scène de violence conjugale à l’épisode « Acharnement » est particulièrement violente pour un auditoire qui ne serait pas encore adolescent, étant donné l’intensité de la violence psychologique et physique de Dario envers Elena ainsi que la durée de la scène.

Le but des classifications des émissions est d’informer le public, et notamment les parents, de la présence d’un contenu susceptible de troubler un public plus jeune. Il s’agit d’un outil important dans le système de radiodiffusion canadien. Le comité est sensible au fait que la pratique courante consiste à appliquer une cote de classification à une série complète. Ici, le comité ne peut que statuer sur les deux épisodes en cause. Il se peut que la cote 8+ soit généralement acceptable pour les autres épisodes de la série, mais le comité croit néanmoins que la cote 8+ utilisée par TVA pour ces deux épisodes contrevient à l’article 4.0 du Code de l’ACR concernant la violence.

Le CCNR comprend qu’une série vise un public cible et qu’il est préférable d’appliquer une classification uniforme à l’ensemble d’une série pour ne pas dérouter les téléspectateurs. Toutefois, il est important que tous les épisodes d’une même série respectent la cote donnée à celle-ci, sinon les télédiffuseurs qui choisissent une cote trop basse se rendent vulnérables. En revanche, les télédiffuseurs sont libres de choisir des cotes différentes pour chacun des épisodes. L’essentiel est que la cote qu’ils choisissent respecte les normes applicables.

Enfin, la plaignante croit que le contenu abordant le thème du suicide devrait respecter les pratiques de l’Association québécoise de prévention du suicide. En revanche, ces normes ne font pas partie des codes applicables et le comité ne cherche pas à brimer la créativité des producteurs. Quoi qu’il en soit, le comité admet que la décision de fournir à la fin d’une émission abordant des sujets troublants tels que la violence conjugale et le suicide les numéros de téléphone utiles pour rejoindre les ressources appropriées constituent une bonne pratique. Cette pratique n’est cependant pas obligatoire pour les émissions en cause bien qu’elle soit de plus en plus utilisée par les télédiffuseurs, voire les radiodiffuseurs.

Dans sa réponse, TVA signale avoir diffusé à la fin du second épisode en question un panneau affichant les coordonnées pour obtenir de l’aide à la désintoxication et à la prévention du suicide. Il a aussi expliqué que l’absence de panneau à la fin du premier épisode était « [due] à une erreur humaine. Normalement, ces panneaux sont toujours affichés à la fin d’épisodes sensibles. » Le comité désire reconnaître les efforts de TVA à cet égard et il encourage cette pratique lorsque nécessaire, même si elle n’est pas obligatoire.

Réceptivité du télédiffuseur

Dans toutes les décisions rendues par le CCNR, ses comités évaluent dans quelle mesure le radiodiffuseur s’est montré réceptif envers le plaignant. Bien que le radiodiffuseur ne soit certes pas obligé de partager l’opinion du plaignant, sa réponse doit être courtoise, réfléchie et complète. Dans la présente affaire, TVA a fourni une réponse détaillée et réfléchie à la plaignante. Ce télédiffuseur ayant rempli son obligation de se montrer réceptif, il n’y a pas lieu d’en exiger davantage de sa part, sauf pour l’annonce de cette décision.

Annonce de la décision

TVA est tenu : 1) de faire connaître la présente décision selon les conditions suivantes, en formats audio et vidéo : une fois pendant les heures de grande écoute, dans un délai de trois jours suivant sa publication, et une autre fois dans un délai de sept jours suivant sa publication, dans le même créneau horaire que l’émission Indéfendable, mais pas le même jour que la première annonce, 2) de faire parvenir à la plaignante qui a présenté la demande de décision, dans les quatorze jours suivant la diffusion des deux annonces, une confirmation écrite de son exécution et 3) au même moment, de faire parvenir au CCNR copie de cette confirmation accompagnée du fichier-témoin attestant la diffusion des deux annonces, qui seront formulées comme suit :

Le Conseil canadien des normes de la radiotélevision a jugé que TVA avait enfreint l’article 4.0 du Code concernant la violence de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR) lors de sa diffusion des épisodes d’Indéfendable le 28 novembre 2022 et le 28 février 2023. Les deux épisodes renferment des scènes de suicide qui auraient dû être classées 13+ au lieu de 8+.

La présente décision devient un document public dès sa publication par le Conseil canadien des normes de la radiotélévision.

1 Selon le site web de TVA, l’émission est diffusée à 19 h 30, mais la correspondance de la plaignante et du télédiffuseur note 19 h. Le fichier-témoin fourni par TVA ne donne aucune indication d’heure.

2 Sauf dans le cas d’une émission exemptée de classification.

Annexe

La première plainte

Le CCNR a reçu la plainte suivante par l’entremise de son formulaire web le 28 novembre 2022 :

Station de télévision ou de radio : TVA

Titre de l’émission : Indéfendable

Date de la diffusion de l’émission : 28/11/2022

Heure de l’émission : 19 h 00

Préoccupation précise :

Bonnes pratiques médiatiques pour aborder la problématique du suicide non appliquées. Une scène d'une personne s'étant suicidée par pendaison a été diffusée en détails.

La plaignante a communiqué avec le CCNR le 19 janvier 2023, indiquant qu’elle n’avait pas encore reçu une réponse du télédiffuseur. Le CCNR lui a expliqué qu’il avait accordé à TVA une prolongation au délai de réponse.

La réponse du télédiffuseur

TVA a répondu à la plaignante le 30 janvier 2023 avec une lettre en date du 27 janvier :

Le Conseil Canadien des Normes de la Radiotélévision (« CCNR ») nous a transmis pour analyse et réponse votre plainte datée du 28 novembre 2022 portant sur la diffusion par le Groupe TVA (« TVA ») sur la chaîne TVA de l’émission Indéfendable du 28 novembre 2022, 19 h 00 (l’« Émission »).

Nous prenons bonne note de vos commentaires et du fait que l’Émission ait pu vous faire réagir. Plus particulièrement, vous vous plaignez ainsi :

« Bonnes pratiques médiatiques pour aborder la problématique du suicide non appliquées. Une scène d'une personne s'étant suicidée par pendaison a été diffusée en détails. »

Soyez assurée que nous traitons avec beaucoup de sérieux toutes les plaintes de nos téléspectateurs. Cependant, nous considérons que, dans les circonstances, il n’y a pas eu contravention aux codes supervisés par le CCNR et ce, pour les raisons suivantes.

D’abord, l’avertissement suivant a été affiché et annoncé au début de l’Émission ainsi qu’après chaque pause publicitaire :

« AVERTISSEMENT : Cette émission comporte des scènes de violence. Nous préférons vous en avertir. » 8+

Ces mises en garde à l’auditoire permettaient donc aux téléspectateurs de prendre une décision éclairée afin de déterminer si l’Émission leur convenait ainsi qu’aux membres de leur famille.

Nous sommes par ailleurs d’avis que la scène qui a été présentée durant l’Émission doit être interprété[e] et évaluée dans son contexte dramatique et informatif. À cet effet, cette scène délicate s’inscrivait parfaitement dans l’arc narratif du personnage d’Elena Panepinto (« Elena »).

Les téléspectateurs savaient déjà qu’Elena, qui avait été accusée du meurtre de son mari, était victime de violence conjugale. Après un long procès qui s’est échelonné sur plusieurs épisodes de la saison, le jury a enfin rendu le verdict durant l’Émission. Le jury acquitte Elena du meurtre son mari mais, malheureusement, Elena reçoit un avis d’appel de ce verdict quelques jours plus tard. Cette nouvelle est trop lourde pour Elena, en raison de tout ce qu’elle a vécu dans les derniers épisodes (violence conjugale, accusation du meurtre de son mari, procès de longue durée, possibilité d’être emprisonnée à vie).

La scène dans l’Émission dramatique s’inscrivait donc dans le développement du personnage d’Elena et du thème de l’énorme fardeau de naviguer le système judiciaire, surtout dans le cadre d’accusations criminelles aussi importantes. Le thème des difficultés vécues par les avocats criminalistes et de leurs relations avec leurs clients est également abordé et développé avec cette scène délicate.

Conséquemment, nous sommes d’avis que TVA n’a pas contrevenu aux Codes du CCNR lors de la diffusion de l’Émission.

Nous vous remercions d’avoir pris le temps de nous écrire et vous prions d’agréer l’expression de nos sentiments distingués.

Correspondance afférente

La plaignante a soumis sa demande de décision le 12 février avec le message suivant :

J'ai reçu la réponse du diffuseur et je demeure insatisfaite. Je ne remets pas en question les motivations du personnage ou le contexte de l'histoire ayant mené au suicide du personnage, ce que le diffuseur aborde dans sa réponse. Ce que je remets en question, c'est la façon que le sujet fut abordé. Je vous invite à consulter le site internet de l'Association québécoise de prévention du suicide, onglet média et créateurs, comment parler du suicide dans les médias. Vous constaterez que de montrer une personne pendue ne fait pas partie des bonnes pratiques pour aborder le suicide, ce que vous avez fait durant l'émission. Une émission diffusée à grande écoute, donc, possiblement avec des enfants qui regardent cette émission. De plus, à la fin de l'émission, les numéros de téléphone pour rejoindre les ressources de prévention du suicide étaient absents. Le but de ma plainte est de vous sensibiliser à la façon d'aborder un sujet délicat. Malheureusement, nous avons environ 3 personnes qui décèdent par suicide à tous les jours au Québec. Les taux de tentative de suicide sont sous-estimés, mais il y aurait 30 tentatives de suicide pour chaque suicide complété. Ce n'est pas un sujet à prendre à la légère. Sachez que je n'attends pas de réponse. Je souhaite seulement que vous preniez 10 minutes pour lire les bonnes pratiques pour aborder le suicide dans les médias afin de vous sensibiliser pour les prochains projets qui seront créés.

La deuxième plainte

La plaignante a soumis une nouvelle plainte le 6 mars 2023 :

Station : TVA

Titre de l’émission : Indéfendable

Date de l’émission : 28/02/2023

Heure de l’émission : 19:00

Préoccupation précise :

Non-respect des bonnes pratiques médiatiques pour aborder la problématique du suicide. Je ne remets pas en question que le personnage se suicide. Je déplore que le suicide soit démontré de façon explicite, et ce, à heure de grande écoute. Je vous réfère au site internet de l'Association québécoise de prévention du suicide, sous l'onglet médias afin de consulter le document incluant les bonnes pratiques pour aborder le sujet du suicide dans les médias. Merci.

Le CCNR a offert à TVA une deuxième occasion de répondre à la plaignante concernant cet épisode additionnel. TVA a écrit au CCNR ce qui suit :

Nous ne répondrons pas à nouveau à la plaignante. Bien que ce soit un personnage différent qui s’est suicidé dans cet épisode, notre réponse demeure la même, à savoir :

Le CCNR fournit au radiodiffuseur une dernière opportunité d’ajouter au dossier lorsqu’il établit la date de la réunion du comité décideur. TVA a envoyé le message suivant le 23 mars :

Nous avons de l’information additionnelle que nous aimerions vous communiquer dans le cadre de cette plainte. Nous aimerions que cette information soit également acheminée à la plaignante.

Nous voulons soumettre que lorsque nos épisodes traitent de sujets délicats, comme le suicide, nous plaçons des panneaux d’aide à la fin de ces épisodes. Pour la deuxième plainte de [la plaignante], nous vous confirmons que le panneau ci-dessous apparaissait effectivement à la fin de l’épisode :

[capture d’écran du panneau à la fin de l’émission sur lequel on voit :

Besoin d’aide?
Les Maisons Péladeau
Soutien à la désintoxication
1-866-735-2366
lesmaisonspeladeau.com

Prévention suicide :
1-866-APPELLE
(277-3553)
24 HEURES/24
ET 7 JOURS SUR 7]

Malheureusement dans l’épisode lié à la première plainte de [la plaignante], le panneau n’avait pas été placé à la fin de l’épisode dû à une erreur humaine. Normalement, ces panneaux sont toujours affichés à la fin d’épisodes sensibles.

Nous espérons que ces précisions aideront le comité dans leur réflexion. Nous espérons également que ces précisions réconforteront [la plaignante], qui demandait notamment à TVA d’afficher de tels panneaux.

Nous demeurons disponibles pour répondre à toute question additionnelle.