Une citation inexacte du Coran et le traitement inéquitable d’interlocuteurs musulmans ont enfreint les normes de la radiodiffusion, déclare le Conseil canadien des normes de la radiotélévision

Ottawa, le 13 décembre 2006 - Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) rendait publique aujourd’hui sa décision concernant un épisode de l’émission de ligne ouverte  Lowell Green Show, qui a été diffusé le 31 mars 2006 à l’antenne de CFRA-AM d’Ottawa. Pendant cet épisode, l’animateur a discuté, entre autres, du cas de M. Abdul Rahman, l’Afghan condamné à mort pour avoir converti de l’islam au christianisme. 

Comme entrée en matière de cette discussion sur l’apostasie, l’animateur a cité un extrait d’une lettre adressée au rédacteur du National Post qui fut publiée dans ce quotidien le 31 mars. Précisant qu’il n’était ni pour ni contre la position prise par l’auteur de la lettre,  M. Lowell Green a cité la sourate (chapitre) et l’âyât (verset) du Coran qui sont reproduits dans cette lettre. En fait, il a cité le principe qui fait supposément partie de cet âyât à plusieurs reprises pour soutenir son affirmation selon laquelle « il est indiqué dans le Coran qu’on doit tuer ceux qui convertissent de l’islam au christianisme. » Il a également invité les musulmans à appeler son émission en leur demandant s’ils étaient d’accord que selon le Coran « les musulmans sont tenus de tuer ceux qui optent d’abjurer l’islam pour une autre foi. » Pour les inciter davantage, il a déclaré qu’il accorderait aux interlocuteurs musulmans « tout le temps voulu pour parler » en promettant « je ne vais pas vous interrompre. » 

Un plaignant a soulevé des préoccupations au sujet de la comparaison faite du christianisme et de l’islam par l’animateur, qui, à son avis, fonctionnait au détriment de l’islam, et au sujet aussi des questions de pure forme dont l’effet était d’inciter la haine envers l’islam, bien qu’il n’ait pas prêté à l’animateur la moindre intention de le faire. Appuyant la discussion de la question, le Comité régional de l’Ontario du CCNR n’a pas constaté de commentaire abusif ou indûment discriminatoire. 

Il n’y a pas le moindre désaccord en ce qui concerne l’importance de la discussion sur cette controverse comme telle. L’histoire de M. Abdul Rahman a fait des échos autour du monde. Puisqu’il s’agit d’une question qui a vivement intéressé le public et qui a soulevé à son tour des questions qui revêtent une importance majeure, il ne faisait aucun doute que les émissions-causerie consacrées aux actualités la mettraient en vedette. […] Bien entendu, le CCNR affirmerait fermement d’emblée la pertinence et la valeur d’un débat sur cette question controversée sur les ondes.

La question pertinente pour le CCNR ne se rapporte pas au sujet, mais au traitement du sujet. Tout comme il ne peut y avoir aucun doute quant à la légitimité de diffuser une émission sur les conséquences entraînées par l’apostasie de M. Abdul Rahman, il n’y a pas non plus de doute que les radiodiffuseurs ne sont pas libres d’amorcer des discussions sur cette question qui peuvent également finir par enfreindre toute autre norme établie par le Code de déontologie de l’ACR (comme la disposition sur les droits de la personne, sans en exclure d’autres).  

Non seulement le Comité n’a-t-il constaté aucun problème pour ce qui est de soulever la question de l’apostasie, mais il n’a également constaté aucun problème quant à la discussion de plusieurs autres sujets sensibles pendant cet épisode, dont le filtrage des terroristes par les autorités de l’immigration, l’immigration en provenance des pays musulmans, la publication, dans le Western Standard, des dessins humoristiques danois et d’ailleurs controversés se rapportant à l’islam, le traitement des musulmanes dans le contexte nord-américain, les attentats-suicides, et ainsi de suite. Le Comité n’a pas non plus trouvé que l’émission était abusive ou indûment discriminatoire à l’endroit de l’islam. Il a conclu  

que bien que l’animateur ait critiqué des aspects de l’islam, cette critique était loin d’être une condamnation  générale  de cette religion et ne visait pas à la dénigrer. Il se préoccupe de la justification de la violence.  Même s’il en est venu à des conclusions injustifiées dans certains cas, en raison de ses piètres connaissances, d’ailleurs évidentes, de cette religion, le Comité ne trouve pas que les commentaires faits par l’animateur, même lorsqu’il a comparé les religions, équivalent à des commentaires abusifs ou indûment  discriminatoires. [Toutefois, le Comité a trouvé que] l’animateur connaissait si peu le Coran qu’il semblait ignorer la caractéristique fondamentale de la miséricorde qu’affichait le prophète Mahomet. Lorsque l’interlocuteur Alex lui a précisé cet exemple, il a fait abstraction de la description du prophète miséricordieux  (et du principe de la miséricorde qui fait partie intégrante de l’islam comme tel). Et, l’interlocuteur Jessie a fait mention du respect et de l’équivalent de la moralité chrétienne qui font partie de l’islam. L’animateur n’a pas tenu compte de ces deux observations positives, préférant dans les deux cas de s’en tenir à ses renvois au Coran, qu’il faisait littéralement sans se préoccuper du contexte. C’est comme s’il a brandi la massue morale de la religion qu’il connaît contre celle dont il ignore beaucoup. Bien que le Comité convienne, comme l’affirme le plaignant, que M. Green a agi de la sorte dans le but de critiquer des aspects de l’islam, il n’estime pas qu’il tentait d’exprimer des propos abusifs ou indûment discriminatoires à l’endroit des musulmans en général.  

La préoccupation du Comité ne tenait pas au « sujet abordé par l’émission, mais à la façon […] dont l’animateur   a traité le sujet. » Et c’est là qu’il a été jugé que le radiodiffuseur a commis une infraction. « Le Conseil appuie le droit des animateurs d’émissions-causerie d’avoir des opinions et de les exprimer. Cela ne pose aucun problème. Une partie du contenu, à savoir la partie ne se rapportant pas à une opinion, exigeait de l’exactitude et  sur ce point, l’animateur, Lowell Green, a déclaré fermement et sans équivoque qu’il citait du Coran. En effet, […] la phrase finale qui pose un problème et sur laquelle se fonde l’argument du jour de M. Green – ‘’Tue celui qui change de religion’’ – ne se trouve aucunement dans le Coran. » Il en résulte que le radiodiffuseur a enfreint le Code de déontologie de l’ACR. Le Comité a donné l’explication suivante :  

Le radiodiffuseur avait sa propre obligation de s’assurer, aux moments pertinents, de l’exactitude de la documentation qu’il invoquait. En omettant d’effectuer cette vérification, il a permis d’avancer un argument ou une position qui semblaient plus soutenables qu’ils ne l’étaient. Le Coran fait autorité comme il se devrait, tout comme le fait la bible. Élaborer un argument qui se fonde sur ce qui semble être le contenu du livre sacré de l’islam met les interlocuteurs et les auditeurs sur la défensive; ils ne voient la situation qu’en termes d’affrontement dès le départ. L’animateur savait, ou aurait dû savoir, que sa position semblerait davantage inattaquable en faisant appel à un tel recours. Il aurait dû vérifier, ou un employé du radiodiffuseur aurait dû vérifier, un point si important avant d’en faire le fondement de presque la totalité de l’épisode. En négligeant de présenter des renseignements exacts à l’auditoire sur le contenu du Coran, ils se sont montrés trompeurs et injustes. Ils ont pipé les dés sans divulguer qu’ils l’ont fait, même s’il s’agissait d’un choix involontaire. En fin de compte, le radiodiffuseur n’a pas fait une présentation juste, complète et appropriée et a donc enfreint l’article 6 du Code de déontologie de l’ACR pour avoir tablé constamment sur une citation erronée d’une partie du texte du Coran, et pour avoir également refusé de plier lorsque des interlocuteurs musulmans ont signalé l’erreur.  

Le Comité a également éprouvé des difficultés particulières en ce qui concerne la façon dont l’animateur a traité plusieurs de ses interlocuteurs, surtout ceux qui ont indiqué qu’ils sont musulmans et qui ont appelé l’émission étant donné qu’il les a expressément invités à lui faire part de leur point de vue respectif de leur propre religion et du document qui la sous-tend, c.-à-d. le Coran. 

Le Comité régional de l’Ontario trouve que les tactiques utilisées par Lowell Green pour traiter ses interlocuteurs et aborder la signification de l’âyât coranique sur lequel il a fondé son argument étaient injustes et inappropriées. L’animateur avait le droit de faire observer son point de vue au sujet de l’apostasie et il a eu toutes les occasions de le faire. Il ne lui était pas nécessaire d’avoir recours à cette section du Coran. Il a opté pour cette façon de faire. C’était son choix. Puis, après avoir invité les musulmans à appeler l’émission en leur disant qu’ils pourraient lui donner, ainsi qu’aux auditeurs de CFRA, des éclaircissements sur le document qui est le fondement de leur religion, il n’a aucunement tenu compte de leurs explications sur la nature même du Coran, et de leurs arguments concernant le contexte de l’âyât qu’il avait cité. Lorsqu’un des interlocuteurs musulmans s’est même donné la peine d’expliquer que la version arabe, c.-à-d. la version originale du Coran qui fait autorité, laquelle il avait devant lui, ne contient pas les mots sur lesquels l’animateur fondait son argument, M. Green a changé de sujet. Entre parenthèses, il est intéressant que l’animateur se soit montré davantage accommodant envers l’interlocuteur Mohammed, à qui il a permis de donner certaines explications sur la variété d’interprétations de l’islam (lesquelles ne s’adressaient cependant pas à la question centrale de l’apostasie). En tout et pour tout, l’émission a laissé aux gens de l’auditoire une impression très déséquilibrée de la signification du Coran. Ils méritaient plus. En refusant de permettre aux interlocuteurs de fournir, de bonne foi, des explications quant au texte du Coran qui avait été cité à faux, alors qu’il les avait invités à le faire, le radiodiffuseur a présenté ce texte de façon incomplète, injuste et inappropriée, ce qui constitue par conséquent une infraction à l’article 6 du Code de déontologie de l’ACR. 

Les radiotélédiffuseurs privés canadiens ont créé eux-mêmes les codes qui constituent les normes du secteur concernant la déontologie et l’emploi de stéréotypes sexuels ainsi que la présentation de violence à la télévision et ils s’attendent à ce qu’ils soient respectés par les membres de leur profession. En 1990, ils se sont aussi dotés d’un organisme d’autoréglementation, le CCNR, qu’ils ont mandaté de veiller à l’administration de ces codes de responsabilité professionnelle. Le Conseil a par la suite été chargé de veiller également au respect du Code de déontologie (journalistique) adopté en 1970 par l’Association canadienne des directeurs de l’information radio-télévision (ACDIRT). Plus de 590 stations de radio et de télévision et services spécialisés, d’un bout à l’autre du Canada, sont membres du Conseil.

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Toutes les décisions du CCNR, les codes, les liens vers les sites Web des membres et d'autres sites Web, ainsi que des renseignements pertinents sont affichés sur son site Web à www.ccnr.ca. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec la présidente nationale du CCNR, Mme Andrée Noël, ou le directeur exécutif du CCNR, M. John MacNab.