La diffusion des faux départs d’une entrevue faite avec Stéphane Dion a violé les codes de la radiodiffusion, déclare le Conseil canadien des normes de la radiotélévision

Ottawa, le 27 mai 2009 – Le Conseil canadien de la radiotélévision (CCNR) rendait publiques aujourd’hui deux décisions (1,2) concernant la diffusion de trois faux départs d’une entrevue faite en anglais par le chef d’antenne de CTV Steve Murphy avec le chef des Libéraux Stéphane Dion, pendant la campagne de l’élection fédérale en octobre 2008. M. Dion a demandé chaque recommencement de l’entrevue, et le chef d’antenne de CJCH-TV (CTV Atlantic), M. Murphy, les a accordés.

Une des décisions se rapporte à la première diffusion des faux départs (lesquels furent suivis par la diffusion de l’entrevue complète de 12 minutes) dans le cadre du téléjournal de 18 h, CTV News at 6, de CTV Atlantic le 9 octobre. L’autre décision porte sur la rediffusion, par CTV Newsnet, des recommencements dans le cadre de l’émission d’affaires publiques Mike Duffy Live Prime Time plus tard le même soir. Le CCNR a conclu que les deux diffusions ont violé certaines dispositions du Code de déontologie (journalistique) de l’Association canadienne des directeurs de l’information radio-télévision (ACDIRT) et du Code de déontologie de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR).

La première question que Steve Murphy a posée à Stéphane Dion était la suivante : « Si vous étiez premier ministre à l’heure actuelle, qu’auriez-vous fait au sujet de l’économie et de cette crise que M. Harper n’a pas fait? » (La version anglaise de cette question était la suivante : If you were prime minister now, what would you have done about the economy and this crisis that Mr. Harper has not done?) Après avoir commencé à répondre à la question, M. Dion a demandé de recommencer parce qu’il n’était pas clair pour lui si M. Murphy voulait dire s’il [M. Dion] était premier ministre pendant les deux dernières années ou s’il était élu premier ministre cinq jours plus tard lors de l’élection générale. M. Murphy a convenu de recommencer, mais n’a pas clarifié la question qui portait à confusion. Il l’a simplement posée de nouveau selon plus ou moins la même formulation qu’il avait utilisée la première fois. Après deux faux départs de plus, l’entrevue complète et non interrompue a suivi. Pendant cette entrevue complète, M. Dion a donné des renseignements sur le plan économique des Libéraux, la taxe proposée sur le carbone, les déficits, le tournant vert, les impôts, les politiques nationales comparables en Europe et la mission militaire du Canada en Afghanistan.

Lorsqu’il a présenté l’introduction de cet élément des nouvelles, M. Murphy a informé les téléspectateurs qu’à l’origine CTV News avait dit aux Libéraux que les faux départs ne seraient pas diffusés, mais que le réseau avait changé d’avis et avait décidé plus tard que le public avait le droit de voir l’entretien au complet. Les faux départs ont également été montrés à l’émission Mike Duffy Live Prime Time et ont été suivis, dans cette émission-là, de discussions avec un groupe de personnes politiques et de journalistes sur les raisons pour les recommencements et leurs répercussions possibles sur la campagne.

La diffusion des faux départs a suscité de nombreuses plaintes de la part de Canadiens à travers le pays. En général, les plaignants ont affirmé que M. Murphy avait posé sa question de façon boiteuse et qu’il se comprenait que M. Dion ait éprouvé des difficultés de compréhension, surtout étant donné que l’anglais est sa deuxième langue. Ils étaient d’avis qu’il était injuste que CTV ait diffusé les faux départs, surtout puisque le réseau avait dit à l’origine à M. Dion qu’il n’avait pas l’intention de le faire. CTV a défendu sa décision de diffuser les prises défectueuses en avançant qu’il était important que les électeurs voient comment M. Dion compose avec des situations du genre.

Le Comité régional de l’Atlantique du CCNR a examiné la diffusion faite par CTV Atlantic, tandis que le Comité national des services spécialisés fut saisi de la diffusion faite dans Mike Duffy Live. Le Comité de l’Atlantique a examiné les plaintes à la lumière des dispositions du Code de déontologie (journalistique) de l’ACDIRT et du Code de déontologie de l’ACR concernant l’exactitude et l’équité, ainsi qu’aux termes d’un article du Code de l’ACDIRT qui exige que les journalistes usent de tact et de courtoisie dans leurs rapports avec les gens. Le Comité a observé que la formulation de la question posée par M. Murphy « porte à confusion, et non seulement pour une personne dont la première langue n’est pas l’anglais. Dans le sens grammatical le plus stricte, la question posée en anglais par Steve Murphy mélange non seulement les temps, à savoir le présent et le passé, mais également les modes, soit le subjonctif et l’indicatif », donc « on ne peut pas simplement jeter le blâme pour le malentendu sur la personne interviewée. »

Le Comité de l’Atlantique a également conclu que la diffusion a enfreint l’article 8 du Code de l’ACDIRT parce que CTV s’était engagé à ne pas diffuser les faux départs et sa décision de déroger à son engagement

manquait de courtoisie et d’égard, [...]. De plus, le Comité (les deux tiers des décideurs représentant l’industrie étant eux-mêmes membres de l’ACDIRT et des journalistes de la presse parlée qui ont beaucoup d’expérience à leur actif) estime que les recommencements et les reprises sont monnaie courante et non une rareté. La décision de poser un tel geste de courtoisie n’était ni déraisonnable ni même inhabituelle. Le Comité considère que ce geste de courtoisie était d’autant plus justifié étant donné la question malhabile.

Pour ce qui est de la diffusion de Mike Duffy Live Prime Time, la majorité du Comité national des services spécialisés était du même avis que le Comité de l’Atlantique quant à la question mal formulée et a conclu que la rediffusion des faux départs dans le cadre de l’émission de M. Duffy était injuste et allait à l’encontre de l’article 6 du Code de déontologie de l’ACR. La majorité a également jugé la fausse représentation continue, faite par Mike Duffy, du point de vue du député Libéral Geoff Regan sur la question constituait une violation de cette disposition. Le Comité était de l’avis suivant sur les questions pertinentes :

le chef des Libéraux et son équipe avaient entièrement droit à s’attendre que la partie recommencée soit en effet « écrasée » ou qu’il soit interdit de l’utiliser. Le Comité considère que cela est d’autant plus raisonnable vu la nature imprécise de la question et la confusion créée par l’intervieweur puisque celui-ci n’a pas pu préciser ce qu’il demandait. Si la question avait été bien articulée et conçue, le Comité aurait pu s’attendre à ce que le chef des Libéraux assume une certaine responsabilité pour la confusion qui s’est produite par la suite. Ce n’était cependant pas le cas. Même si la question avait été posée convenablement, il est probable que l’engagement pris par le radiodiffuseur de permettre les recommencements aurait cependant eu l’effet d’interdire le contenu filmé. Dans les circonstances, la question était mauvaise et l’engagement a été pris. Le Comité est d’avis que le geste posé par le radiodiffuseur, soit la rediffusion des prises défectueuses pendant l’émission de M. Duffy, constitue une présentation injuste et inappropriée des nouvelles, des points de vue, des commentaires et des textes éditoriaux.

Deux membres du Comité ont exprimé une opinion dissidente, déclarant que la diffusion des prises défectueuses de l’entrevue avec M. Dion méritait d’être signalée dans les nouvelles, et que la fausse représentation faite par M. Duffy de la pensée du député Regan a été adéquatement corrigée dans l’émission par M. Regan lui-même.

Les radiodiffuseurs privés canadiens ont créé eux-mêmes les codes qui constituent les normes du secteur concernant la déontologie, la représentation équitable, la présentation de violence à la télévision et l’indépendance journalistique, et ils s’attendent à ce qu’ils soient respectés par les membres de leur profession. En 1990, ils se sont dotés d’un organisme d’autoréglementation, le CCNR, qu’ils ont mandaté de veiller à l’administration de ces codes de responsabilité professionnelle, ainsi que du code concernant la déontologie journalistique qui fut élaboré par l’ACDIRT - Association des journalistes électroniques. Plus de 720 stations de radio, de services de radio par satellite, de stations de télévision et de services de télévision spécialisée, d’un bout à l’autre du Canada, sont membres du Conseil.

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Toutes les décisions du CCNR, les codes, les liens vers les sites Web des membres et d’autres sites Web, ainsi que des renseignements pertinents sont affichés sur son site Web à www.ccnr.ca. Pour obtenir de plus amples renseignements, veuillez communiquer avec la présidente nationale du CCNR, Mme Andrée Noël, ou le directeur exécutif du CCNR, M. John MacNab.