La diffusion de scènes érotiques avant 21 heures, une infraction au code adopté par les télédiffuseurs privés, selon le Conseil canadien des normes de la radiotélévision

Ottawa, le 20 décembre 2000 — Le Conseil canadien des normes de la radiotélévision (CCNR) a publié aujourd’hui deux décisions dans lesquelles il se prononce sur certains épisodes de deux séries de Télévision Quatre Saisons (TQS) de Montréal, soit Faut le voir pour le croire et 2000 ans de bogues, qui ont fait l’objet de plaintes de téléspectateurs. Les plaintes reçues se rapportaient dans les deux cas à la présentation de scènes de nudité et d’intimité sexuelle bien avant 21 heures, heure critique marquant le début de la plage des heures tardives.

Bien que, dans un cas (Faut le voir pour le croire), la demi-pénombre dans laquelle les scènes avaient été tournées ait contribué à masquer les parties génitales de certains personnages et, dans l’autre (2000 ans de bogues), le télédiffuseur ait eu recours à des caches, il y avait des scènes d’intimité sexuelle manifeste, notamment des scènes où l’on voyait clairement des seins nus. L’une des émissions comportait également des vidéoclips du tournage d’un film pornographique, bien que, dans ce cas également, le télédiffuseur ait masqué les parties génitales des acteurs.

Le Conseil régional du Québec a examiné les plaintes déposées à l’égard de ces émissions à la lumière du Code d’application volontaire concernant la violence à la télévision de l’Association canadienne des radiodiffuseurs (ACR). À son avis, le télédiffuseur en a enfreint les dispositions relatives à la mise à l’horaire des émissions (paragraphe 3.1.1) — selon lesquelles certaines émissions ne doivent être diffusées qu’après 21 heures — et les dispositions relatives au système de classification (article 4) — selon lesquelles le télédiffuseur est censé indiquer la cote de l’émission à l’écran lorsqu’il présente ce genre d’émissions fondées sur la réalité.

Scènes de sexualité

De l’avis du Conseil, les scènes de nudité que comportaient les deux émissions se présentaient dans un contexte érotique et étaient manifestement destinées à un auditoire adulte. Le Conseil juge donc que ni l’une ni l’autre émission n’aurait dû être diffusée avant la plage des heures tardives, qui est réputée commencer à 21 heures. Dans le cas de l’épisode de 2000 ans de bogues, il a déclaré :

En l’espèce, le Conseil est d’avis que la collection d’images présentée dans le cadre de l’émission 2000 ans de bogues était trop osée pour être diffusée à 19 h 30. Il y a maints exemples de ce qui le préoccupe. Ainsi, en dépit du fait qu’on a accéléré le déroulement des scènes les dépeignant et masqué les parties génitales des acteurs, les actes sexuels que montrait le segment sur la pornographie dépassaient les bornes. De plus, distinction très nette par rapport au long métrage Strip Tease, les scènes de nudité présentées l’étaient dans un contexte carrément érotique, en l’occurrence celui d’une séquence sur le tournage d’un film pornographique. Dans 2000 ans de bogues, non seulement le téléspectateur pouvait-il voir les seins des actrices, il voyait aussi l’exécution d’actes sexuels explicites. D’après le Conseil, il n’y a donc absolument aucun doute que ces scènes font partie des émissions « destinées à un auditoire adulte » et qu’elles auraient dû, en conséquence, être présentées pendant la plage des heures tardives de la soirée, c.àd. après l’heure critique. Le Conseil estime donc que la diffusion de l’émission à 19 h 30 constitue une infraction du paragraphe 3.1 du Code d’application volontaire concernant la violence à la télévision.

Pour ce qui est de Faut le voir pour le croire, le Conseil estime que :

[...] les actes sexuels dépeints étaient tels qu’il est clair que l’émission s’adressait à un auditoire adulte. Le cunnilinctus, le coït furtif sur le capot d’une voiture dans un garage à étages, l’interlude sexuel dans un ascenseur sont tous des scènes qui peuvent ne pas poser de problème pour un auditoire adulte mais ne conviennent pas du tout à de jeunes téléspectateurs, comme le signale la plaignante. La diffusion de cet épisode de Faut le voir pour le croire avant la plage des heures tardives enfreint manifestement le Code.

Obligation de classer l’émission

D’après le Conseil, il est clair que toutes les émissions sont censées être classées selon le système de classification arrêté. Les seules exceptions admissibles sont les émissions qui font partie de la catégorie « exempt », soit « les émissions de nouvelles, les émissions de sports et les documentaires ainsi que les autres émissions d'information, les interviews-variétés, les émissions de musique vidéo et les émissions de variétés ». Or le Conseil établit dans la décision relative à Faut le voir pour le croire que ce genre d’émission de télévérité ne saurait être considéré comme un « documentaire » ni comme une « émission d’information ». L’essentiel de son raisonnement, qui est présenté plus en détail dans la décision, est que :

les émissions dont le but premier est d’instruire sont celles que les télédiffuseurs et le CRTC s’attendent de voir exempter et que celles qui visent d’abord à divertir sont, d’après eux, censées être classées.

Le Conseil estime que le télédiffuseur aurait dû attribuer la cote « 16 ans et plus » à l’épisode contesté de Faut le voir pour le croire, comme à celui de la série 2000 ans de bogues d’ailleurs.

[D]ans ce cas-ci, [affirme-t-il,] la cote « 13 ans et plus » n’aurait pas été pas assez restrictive, puisqu’elle prévoit que « des scènes d’intimité sexuelle valorisant, par exemple, des relations de pouvoir ou des situations troubles ne conviennent pas à des jeunes de cet âge ». D’autre part, bien que la cote « 18 ans et plus » soit celle qui comprenne « les films exploitant principalement des manifestations sexuelles explicites », la cote « 16 ans et plus » lui apparaît être celle qui aurait convenu.

Manquements répétés au Code

Le Conseil trouve par ailleurs « très troublant, outre ce qu’il constate dans ce cas-ci, que TQS ne tienne absolument aucun compte, dans ses décisions de programmation, des exigences du Code en ce qui a trait à la mise à l’horaire ».

Dans le cas présent [affirme-t-il], les infractions au Code ne mettent pas en cause une émission unique. Elles tiennent à la présentation de films, de publicités de films et de séries télévisées; mais, en dernière analyse, le problème est le même : le télédiffuseur compte manifestement, et sans égards aux conclusions tirées par le Conseil, continuer de diffuser avant la plage des heures tardives une programmation dont le contenu, de par sa nature sexuelle, s’adresse clairement à des adultes.

Vu ces infractions répétées au Code, le Conseil ajoute :

En conséquence, non seulement le Conseil conclut-il que TQS a commis une infraction au Code en diffusant l’émission ayant fait l’objet de la plainte, il exige que ce télédiffuseur lui communique, au cours des trente jours après avoir reçu le texte de la décision, une indication des mesures concrètes qu’il entend prendre pour empêcher dans l’avenir la diffusion de contenu inapproprié de nature sexuelle avant la plage des heures tardives. Si TQS ne s’exécute pas, le CCNR devra déterminer s’il y a lieu de lui permettre de maintenir son adhésion ou si, au contraire, il faut l’expulser, ce qui en ferait le premier radiotélédiffuseur privé canadien à perdre son privilège d’autoréglementation.

Les radiotélédiffuseurs privés canadiens ont arrêté eux-mêmes les codes qui constituent les normes du secteur concernant l’emploi de stéréotypes sexuels, la présentation de violence et le traitement de questions à valeur morale, tels les droits de l’homme, à la télévision et ils s’attendent que leurs collègues les respectent. Ils se sont aussi dotés d’un organisme d’autoréglementation, le CCNR, qu’ils ont mandaté de veiller à l’administration de ces codes de responsabilité professionnelle. Le Conseil a par la suite été chargé de veiller également au respect du code de déontologie journalistique adopté par l’Association canadienne des directeurs de l’information radio-télévision (ACDIRT). Plus de 460 stations de radio et de télévision et services spécialisés, d’un bout à l’autre du Canada, sont membres du Conseil.

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Toutes les décisions du CCNR et tous les codes qu’il administre sont affichés sur son site Web, à www.ccnr.ca, où l’on a aussi accès à ses rapports annuels et à d’autres documents et renseignements pertinents, ainsi qu’aux sites de ses membres et à d’autres sites d’intérêt. Pour plus de renseignements, communiquer avec le président national du CCNR, Ron Cohen, au (###) ###-####.